Djébalè: une île oubliée derrière Douala
Cette étendue de terre émergée dans le Wouri, l’un des plus grands fleuves du Cameroun, est abandonnée à elle-même. Ses habitants n’ont ni eau potable, ni électricité…Découverte par les Allemands en 1800, elle est pourtant située à Douala, porte d’entrée et de sortie de la sous-région Afrique centrale.
« Vous connaissez Djébalè ? ». Posez cette question à 100 Camerounais, 98 répondront: « heu, c’est quel quartier déjà ? ». D’autres vous diront: « ah oui c’est le petit village situé quelque part là ? ». Quelque part là sans plus. Voilà comment ils parlent de l’île de Djébalè, une étendue de terre émergée dans le Wouri, l’un des plus grands fleuves du Cameroun. Cette île est pourtant située en plein cœur de la capitale économique du Cameroun, Douala, porte d’entrée et de sortie de la sous-région Afrique centrale. Comment ont-ils pu oublier un village pareil ? Serait-on tenté de se demander. C’est que, l’île n’a pas connue de développement depuis la période coloniale. C’est un village occupé par le peuple Sawa, les Douala comme on les appelle ici. C’est surtout un village perdu dans Douala…
De la pirogue pour se rendre à Djébalè
Lorsque le simple voyageur veut se rendre sur l’île, il rencontre des difficultés au niveau du transport. Hormis les samedis matin et soir, aucune autre pirogue ne se rend à Djébalè, sauf pour des occasions rares. Le visiteur commence donc par chercher son « piroguier ». Une équation difficile à résoudre. En effet, le piroguier que l’on trouve fait un aller et retour. On le prend donc en course. Il faut payer le prix! ( plus cher à pirogue à moteur et moins cher à pirogue à pagaie). Après accord, le voyage peut commencer. Le départ a lieu sur les berges de Bonassama, quartier qui jouxte Djébalè.
Un paysage féérique
Le voyageur est ébloui par ce qu’il rencontre. Le paysage est à couper le souffle. Entre les cocotiers aux branches longues qui balaient la surface de l’eau et la mangrove innocente, son regard se régale de la pudeur de l’espace. Il est bercé par les chants des oiseaux multicolores qui s’envolent au dessus de lui. Lorsque sa pirogue rencontre une autre, il entend des «Mone (bonjour) », « E-mala-ne » (comment ça va ?) » par-ci et des « Wala bwam (au revoir) » par-là. Une manière de célébrer la rencontre en mer.
Il était une fois, en 1800
15 minutes plus tard (s’il a pris la pirogue à moteur), il voit au loin, apparaître les premières maisons de l’île. Pur style colonial. Plus proche, il remarque des murs défraîchis et les toits jaunis par la force du temps, les premières maisons de Djébalè. Et lorsque la pirogue accoste, des maisons, construites pour la plupart en matériaux provisoires sont visibles. A la chefferie, le chef du village, Isaac Dibobe vous accueille. « Bienvenu à Djébalè », vous dit-il d’entrée de jeu. Et là, comme un conteur autour du feu, il vous raconte l’histoire de son île qui l’a vu grandir il y a plus d’un demi-siècle. Issac Dibobè (il faut préciser sa majesté), vous amène sur la route de son île. « C’est en 1800 que les Allemands ont découvert Djébalè durant leur présence au Cameroun « .
Au départ, une femme sirène nommée Djobalè. Et aujourd’hui, un village sans eau, ni électricité…
Le nom de l’île est trouvé par l’épouse du 1er noir à arriver sur les lieux. La légende dit qu’il sortait avec une femme sirène nommée Djobalè. Une femme avec laquelle il aurait eu plusieurs enfants. D’où le nom Djébalè. Malgré cette histoire si merveilleuse, le village est malheureux. « Nous n’avons pas d’eau potable, encore moins d’électricité », explique le chef Issac Dibobé, les larmes aux yeux. L’unique source d’électrification dont dispose l’île est l’énergie solaire. Un dispositif insuffisant vu l’espacement des maisons.
Une seule école, un sol riche en pétrole et l’exode rural!
La seule école de l’île est l’école publique de Djébalè. Après l’obtention de leur Certificat d’études primaires (Cep), les jeunes vont poursuivre leurs études ailleurs. D’autres ne reviennent jamais, arguant qu’il n’y a pas « de distraction sur l’île ». Seuls les vieillards et des pêcheurs restent à Djébalè. Leurs femmes cultivent du manioc, des plantains et des grains de courge. Chaque samedi, elles vont au marché de Bonassama (à 200 F.Cfa de transport) écouler leur marchandise. Le sol riche en pétrole n’est pas encore exploité. A quelques mètres de l’île, d’autres quartiers de Douala vivent avec de l’eau, de l’électricité et des d’écoles. Djébalè semble être l’orphelin d’une mère qui aime seulement « certains de ses enfants » …
Situation:
Nom: Île de Djébalè
Emplacement: Arrondissement de Douala 4ème
Superficie: 80 hectares
Population: 800 âmes
Langue: Duala
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