Les Maliens du Cameroun au secours du Nord

3 février 2013

Les Maliens du Cameroun au secours du Nord

"Crédit photo: Josiane Kouagheu"
« Crédit photo: Josiane Kouagheu »

Que fera-t-on maintenant que le Nord a  été conquis ? Que fera-t-on des milliers de réfugiés qui ont fui les islamistes ?  François Hollande s’est rendu au Mali. Il a été clair : le Nord doit rester vigilant. L’armée Malienne peut-elle assurer le relais ? Conscients de cette reconstruction dont nécessite leur pays, les ressortissants Maliens du Cameroun ont décidé d’agir…

 «Loin des yeux, loin du cœur ?». Dans le regard d’Abdoulaye Sanogo, ce célèbre  adage semble être une parole de vent. Son regard a une autre explication, un autre secret : «Loin des yeux, près en cœur». Son regard traduit exactement cette phrase. Abdoulaye n’a pas oublié les siens restés au Mali. La crise, les morts, la panique, le quinquagénaire sait de quoi il s’agit. Propriétaire d’une boutique de vêtements à Douala, Abdoulaye passe toutes ces journées l’oreille collé à son poste radio. Depuis neuf mois, il a entendu des choses sur son Mali natal.

Les plaies encore vives

«J’ai perdu mon grand-frère qui vivait à Kidal. Ces islamistes sans foi ni loi l’ont tué», dit-il le regard perdu dans les vagues, comme pour se remémorer les vieux souvenirs passés ensemble. Pour l’instant,  Abdoulaye n’a qu’un souhait, que son pays recouvre sa paix d’antan. Qu’il redevienne le Mali cohésif, chaleureux qu’il a connu avant son arrivée au Cameroun en juin 1983. Même si le Nord de son pays a été conquis, Abdoulaye garde une plaie encore si vive de cette guerre qui l’a  paralysé pendant neuf mois. Au lieu-dit Camp malien au quartier Makea à Douala (quartier où les maliens sont plus nombreux), les Maliens tassés par dizaine discutent de la crise. Leur drame, interne pour la plupart, n’est pas différent de celui d’Abdoulaye. Les informations qu’ils suivent au téléphone sont satisfaisantes.

"Crédit photo: Josiane Kouagheu"
« Crédit photo: Josiane Kouagheu »

Le regard voilé, la voix enrouée, Betté confie qu’il n’a plus de nouvelles de ses parents, de ses deux oncles et de ses quatre tantes vivant à Kidal

Seulement, la plaie n’est pas encore refermée. C’est que, certains d’entre eux ont vécu directement cette crise. Moussa Ibrahim, 26 ans est l’un d’eux. Il nourrit le même rêve qu’Abdoulaye. Moussa a perdu son oncle et son neveu. Ils vivaient à Tombouctou, ville située au Nord. Depuis neuf mois, Betté n’a plus de nouvelles de sa famille. Le regard voilé, la voix enrouée, il explique qu’il n’a plus de nouvelles de ses parents, de ses deux oncles et de ses quatre tantes vivant à Kidal. «Papa m’appelait toujours pour me demander de l’argent, ainsi que maman. Même mes tantes. Personne ne me fait plus signe depuis août 2012». Nous étions alors le 25 janvier 2013. Au téléphone, plus d’une semaine plus tard (2 février 2013), Betté me raconte la même histoire. « Je n’ai toujours pas eu de leur nouvelle». Une situation que vit Cissé Moussa Sarakolé, qui n’a pas de nouvelles de sa tante vivant à Bourem, un village situé non loin de Gao depuis le mois d’octobre 2012. Ces incertitudes, ces craintes,  ont poussé les ressortissants du Cameroun à d’agir.

De l’argent, du sang, pour le Nord

Dimanche 27 janvier 2013, j’ai assisté avec eux à l’assemblée générale organisée pour trouver une solution au consulat général du Mali au Cameroun, situé au quartier Bonapriso à Douala. Au cours de cette soirée, ils ont pris de nouvelles résolutions : chaque ressortissant devait contribuer une somme d’argent en fonction de son activité. Cette somme  varie entre 200 000 F.Cfa et 2 000 F. Certains volontaires ont offert un million de F.Cfa, d’autres plus. Certains qui avaient des proches au pays, ont envoyé une nouvelle : « contribuez en nature ». Ainsi, Abdoulaye m’a dit qu’il a demandé à ses deux enfants (des garçons), étudiants à Bamako, d’offrir leur sang aux soldats nécessiteux. Plusieurs autres Maliens de Douala ont envoyé le message. «Le pays est en difficulté. Tous les Maliens ont l’obligation de répondre à l’appel d’aide lancé par le président, Dioncounda Traoré», m’a dit  le vice-consul du Mali au Cameroun, Mahamadou Ouedraogo.

3 600 000 F.Cfa en juin 2012 pour les réfugiés

En juin 2012 déjà, les Maliens du Cameroun avaient envoyé la somme de 3 600 000 F.Cfa dans leur pays. «Cette somme avait servi à nourrir des réfugiés. C’est très important pour nous de le faire.  Maintenant, nous allons envoyer de l’argent et d’autres denrées alimentaires à nos soldats et aux réfugiés», explique Koulibaly Seidou, le vice-président des Maliens du Cameroun. Ils rêvent surtout de leur Mali d’avant. Pacifique, chaleureux, hospitalier et …laïc. «Maintenant nous devons reconstruire le pays avec tous les fils et filles du pays. Nous devons ne sommes plus touaregs, arabes, noirs…Nous sommes Maliens», se disent-ils, convaincus.

 

 

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Commentaires

josianekouagheu
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Quand un pays est divisé en deux, ses enfants le sont également. Quand il est heureux, sa population l'est également...