Soumis au régime sec, Douala broie du noir: il y a des morts

18 février 2013

Soumis au régime sec, Douala broie du noir: il y a des morts

A Douala, la vie est devenue un combat si particulier que ses habitants ont l’impression de se trouver sur un terrain sans adversaire visible. Que peut-on faire lorsque l’on est assoiffé? On peut s’en sortir avec la faim. Mais avec la soif, que peut-on? L’eau est pourtant une richesse naturelle!  J’ai lu avec une attention particulière une lettre adressée au directeur de la camerounaise des eaux par Florian Ngimbis pour l’interpeller sur la situation de son quartier (situé à Yaoundé) assoiffé depuis deux ans. Comme Florian, je me sens aujourd’hui obligée de me plaindre.

"Tout une quête pour l'eau"
« Tout une quête pour l’eau »

La ville de Douala n’est plus seulement assoiffée par endroit, elle est entièrement soumise à un régime sec. Aucun quartier ne se sent épargné: résidentiel, populaire, ghetto? Le drame est le même. Peut-être ces voix réunies pourront changer la donne ? On me rit au nez ! (je vois de loin des sourires moqueurs): Pendant ce temps, le directeur de la Camerounaise des eaux (Cde), nommé il y a tout juste un an, est en train de construire une cité des cadres à Yaoundé à hauteur de deux milliards de F.Cfa. Rien que le terrain a coûté 200 000 millions de F.Cfa. De qui se moque-t-on? Du peuple assoiffé, alors de qui?

« A force de vivre sans eau, j’ai cru que la ville de Douala était située dans une zone désertique. Ce n’est pas vrai? »

Plusieurs personnes m’ont posé cette question. Et honnêtement, je n’ai pas su que répondre. Douala, ville désertique? J’ai eu envie d’éclater de rire! (mais non je blague). Voilà la résignation des milliers d’habitants. Leur combat quotidien pour trouver la meilleure boisson au monde semble perdu d’avance. J’ai suivi quelques uns dans leur quête, pas si loin de la mienne. Certains n’attendent pas le cri du coq pour aller à la recherche du précieux liquide. Hommes, femmes et enfants se lèvent dès 3 heures du matin. Ils refont le même trajet à la tombée de la nuit. Direction, le point d’eau le plus proche. Forage, puits, marigot? Qu’importe, on sait juste que l’on n’aura pas de l’eau de la Camerounaise des eaux (Cde), pourtant la société « légitime ». Mais, une autre eau, celle qui étanchera la soif. Et les maladies? Ces habitants s’en foutent. En fait, on s’en fou! Choléra, paludisme, diarrhée? Ils me disent qu’ils sont habitués. « La saleté ne tue pas le pauvre », m’informent-ils.

« Quelque soit la couleur, on veut juste ce qu’on va boire. On s’en fou du reste », me rétorquent-ils lorsque j’essaie de leur poser une question sur l’aspect du liquide.

 

 Ajoutée à cette soif, l’obscurité vient tordre le coup à la vie à Douala

"Quand le noir attise la colère"
« Quand le noir attise la colère »

Comme si la Cde et l’Aes Sonel (société productrice d’électricité) s’étaient entendues, rien ne marche plus. Les coupures intempestives du courant ont rendues la vie difficile à plus d’un. moi y compris. Du coup, apprendre ses leçons, conserver un aliment dans son réfrigérateur, regarder un bon feuilleton télévisé ou alors, suivre des informations du monde, devient impossible. C’est comme si Douala était plongé au moyen âge, pis, à l’antiquité. Les habitants s’éclairent à l’aide des bougies, lampes tempêtes, non sans danger. Leur mauvaise utilisation et même le retour brusque de l’électricité provoque alors des incendies. Les dégâts sont alors importants.

« J’ai perdu tous mes effets, mes diplômes, mes habits et tout dans l’incendie », lance habituellement un enseignant mieux, un élève malheureux.

Quatre enfants décèdent en une seule nuit dans les flammes

Les sapeurs pompiers sont devenus presque impuissants. Et des morts ne tardent pas à suivre. Des incendies ravagent des familles entières. Au quartier Makepe à Douala (quartier résidentiel), le drame n’est pas encore effacé de la mémoire des habitants, plus particulièrement dans la famille de Williams Nya Tchami. Elle a perdu ses quatre enfants, âgés respectivement de 2 ans, 7 ans, 9 et 12 ans, Auriol, Kandisse, Flore et Laurel  Nya ont été calcinés dans leur chambre, éclairée par une bougie. Il n’y avait pas de lumière cette nuit-là, une nuit éclairée  de février 2013. Des drames pareils, Douala en compte. Face à ces mauvais incidents, des familles ont pris une résolution: plus de bougie, plus de lampes lors de coupures d’électricité. Ils préfèrent vivre dans l’obscurité,  même si les enfants n’étudieront plus et moi je ne suivrai plus mes infos. Le noir ajouté à la soif nous garantit une sécurité? La population en a marre, les politiques s’en mêlent, l’avenir est incertain

Quelle tristesse…

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Commentaires

Mathias Mouendé Ngamo
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Les responsables de Aes Sonel sont comme impuissants devant leur mission. Ils ont même mis sur pied un calendrier de coupure d'énergie électrique par quartier. Ledit calendrier est difficilement respecté. Les populations broient du noir, et ceux souvent pendant six heures par jour. Le cri des détresses des ménagères et des élèves, couches les plus affectées, ne trouvent pas oreille attentive. Aes Sonel annonce la fin des coupures intempestives en mars prochain. Mais rien ne rassure. Et quand on vous prive d'électricité et que tout à côté la Camerounaise des eaux (Cde) et la camwater chargées de la production et de la distribution de l'eau courante, vous prive du précieux liquide, il y a de quoi craindre un soulèvement. Vivement que l'autorité se penche sur ces problèmes qui touchent la vie quotidienne des citoyens.

serge
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mais pour ma part je m'étonne toujours de la commodité du peuple camerounais, alors peut être que je me trompe... mais tout de même le pays est en pleine décadence, le football est l'image parfaite que rien ne va...
Mais le peuple ne réagit pas... pourquoi???

josianekouagheu
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Ces évènements me font penser à un peuple qui n'a que trop attendu. Sans eau, ni électricité, je pense que le gouvernement doit comprendre qu'il y a un mal persistant dans les rangs de sa population. Et comme tu dis, on peut craindre un soulèvement...

serge
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Pour les infos, achete toi une petite radio À piles, avec un abat-jourl, j'avais ça à Kin et ça marche.
mais vraiment la situation au camer est de plus déplorable. 30 d'un certain regime et le pays stagne, dommage. En mai, vous feterez l'anniversaire du roi lion, non?
je pensais qu'il y avait une difference entre les quartiers riches et moins nantis, mais je vois que non...

josianekouagheu
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Cette injustice s'arrêtera quand le peuple prendra son destin en main. Quand les politiques seront des hommes d'honneur...

fidelus
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Très touchant cet bel article! très touchant et reflétant la triste réalité dans nos capitales africaines! C'est toujours curieux de voir dans la maison des barons des régimes en place, des piscines et autres alors que le voisinage n'a pas un seul goutte d'eau! c'est aussi curieux de les voir rouler dans les carrosses, des grosses cylindrés et en ne bitumant que l'allée de leur devanture..etc. Ô à quand s'arrêtera cette injustice? je m'interroge! Merci à l'auteur de l'article qui relate cette triste réalité.

Mathias Mouendé Ngamo
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Qu'est ce qui étonne encore dans un pays où le chef de l'Etat vit à l'étranger, où un gouvernement vit en prison et où un général gère le football?

Danielle
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Depuis belle lurette, nous sommes dans la même situation on dirait que au fur et à mesure que les années passent sa devient de plus en plus pire.
On attend plus grand chose du gouvernement. Le bas peuple fait avec les moyens de bord comme d'habitude.