Après la fête, l’éternel vide à l’horizon
Je me disais que cette année allait être la bonne. Qu’enfin, le 8 mars allait être ce qu’il avait été à l’origine (une révolte des ouvrières du textile en 1857), une fête de réflexion, une tribune de revendications, un jour où les femmes allaient poser les premières pierres de leur implication dans tous les secteurs de la vie professionnelle. J’ai été une fois de plus déçue. Il faut croire que je suis une éternelle rêveuse. Des femmes ont soulevé le kaba (robe ample vedette du jour), elles ont fait la fête jusqu’au petit matin, délaissant enfants et maris aux oubliettes comme si ce jour, elles avaient le droit de se comporter ainsi. Et durant tout un weekend, elles ont dansé comme si leur vie en dépendait. J’ai vu des femmes afficher au vu et au su de tout le monde ce jour-là leur infidélité. J’ai vu certaines, boire jusqu’à l’excès et oublier où elles se trouvaient.
La fête de l’infidélité
J’ai eu la chance, non, la malchance plutôt, de me retrouver ce jour où il ne fallait pas. Enfin je pense. Pourtant il y avait une forte pluie ce 8 mars 2013 à Douala. Et en plein carrefour, j’ai vu ma «parfaite voisine », une secrétaire de direction d’une grande entreprise d’assurance, une femme respectée, quelque part au fond de moi un modèle. Elle était battue par son mari. Elle voulait outrepasser son interdiction et aller «faire la fête» avec ses copines. Il l’avait pourtant acheté le pagne qu’elle désirait tant. Que voulait-elle ? Faire la fête, rien que la fête. A croire que sans ces rapides moments de réjouissance, elle allait perdre la vie. Une autre a été battue dans un bar pas très loin de chez moi. Malchanceuse, elle est sortie faire la fête avec son voisin, oubliant son téléphone portable. Son mari qui croyait sa femme au bar avec ses copines, a été très déçu. Dans sa messagerie, il a trouvé des messages amoureux adressés par son voisin à sa femme. Et c’est un 8 mars qu’il a découvert que sa femme sortait avec son voisin ! Il l’a battue mais, j’ai bien vu qu’il se demandait déjà ce qu’il allait faire de ses quatre enfants. Il se posait d’ailleurs des questions : sont-ils mes vrais enfants ? M’a-t-elle vraiment aimé ? Un 8 mars. Dans mon quartier, plusieurs petites filles étaient vêtues de l’uniforme du 8 mars. Et demain on dira que les femmes aiment la fête, qu’elles refusent le lit à leur mari pour le pagne. Mais si ces petites savent déjà que c’est le pagne qui compte, elles n’ont vraiment plus d’ambition. « A quoi bon, j’ai déjà mon pagne. Ça suffit, hein ma copine ? »
Il faut avouer que la femme camerounaise aime la fête. Des cas pareils, demandez à un(e) ami(e) si vous en avez à Douala, Yaoundé et partout ailleurs au Cameroun. Et vous verrez que ma désolation est si immense que je n’ose même pas tout vous détailler. Malgré les discours, malgré des exemples des grandes femmes qui s’imposent, il y a comme une volonté de ne faire que la fête chez moi. Les femmes sont sous-représentées dans plusieurs activités de la vie. Si seulement, elles posaient le 8 mars le début d’une sensibilisation des jeunes filles, des revendications. Mais, je ne vois rien à l’horizon. Il est si vide…
Il a fallu 60 ans pour voir une femme préfet au Cameroun…
Sur 180 députés à l’Assemblée nationale, on compte 25 femmes. Sur 360 maires, seuls 24 sont des femmes. Sur 10 632 conseillers municipaux, on compte 1651 femmes (même pas le quart). Le Cameroun n’a pas de gouverneur femme. Sur 48 préfets, on compte seulement une femme. Il a d’ailleurs fallu plus de cinq décennies pour voir une femme devenir préfet, une première. Dans une équipe de 60 secrétaires d’Etat, on n’en compte que 2 femmes. Le gouvernement n’a que cinq ministres femmes. Voilà pourquoi je pense qu’à force de revendication, les femmes pouvaient faire quelque chose. Elles ne sont pourtant pas moins formées que les hommes. Au contraire, elles sont issues des meilleures écoles du Cameroun et du monde. Mais après la fête du 8 mars, même celles qui ont revendiqué, mettent tout de côté pour attendre l’autre 8 mars. Et l’éternel vide à l’horizon domine…
Lisez ce tableau (2007-2012) et là…
Postes | Nombre total | Femmes | Pourcentages (%) |
Maires | 360 | 24 | 6,7 |
1er adjoint | 360 | 57 | 15,8 |
2ème adjoint | 360 | 84 | 23,3 |
3ème adjoint | 98 | 16 | 16,3 |
4ème adjoint | 97 | 12 | 12,4 |
Conseillers municipaux | 10 632 | 1651 | 15,5 |
Source : INS, TBS 3, 2010 ; CT N°9844/6045 du 11/05/2011
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