L’autre visage de Ndokoti, village du rayon solaire
« Est-ce que tu sais que le général Charles de Gaulle et Roger Milla ont passé quelques temps au village Ndokoti ?». J’ai posé cette question à mes amis. Et oui j’ai lu de l’étonnement, une expression de «est-ce vrai ? Mais je passe là-bas tous les jours !», sur leur visage. Normal quand on est étudiant à Douala, on ne peut ne pas connaître le village Ndokoti. L’université est située à quelques pas. Des grands instituts universitaires aussi. Son carrefour est inévitable pour toute personne. Ses voies ouvrent d’ailleurs sur tous les grands quartiers de la capitale économique du Cameroun. Le carrefour Ndokoti est l’un des plus célèbres de mon pays. Pour une fois, je ne leur peignais pas Ndokoti en noir. Je ne leur parlais ni des embouteillages, ni du désordre urbain et encore moins des immenses marchés improvisés où les commerçants qui prennent le trottoir en otage, vous attrapent au passage sans cérémonie. Une image que retiennent les étudiants, les touristes et autres usagers de passage dans le village.
Je leur parlais du Ndokoti que j’ai découvert au détour d’un sentier. Du Ndokoti que j’ai découvert dans une histoire. Je vous avoue que ce que j’ai appris m’a quelque peu sonnée…
Ndokoti où là où rayonne le soleil
Dans les années 1200, quelques riverains Bassa de la Sanaga Maritime quittent leur village pour venir s’installer non loin des berges du Wouri. L’un d’eux, Belong, met au monde un enfant qu’il appelle Kouti. Kouti va à son tour engendrer Lombo, qui lui aussi engendrera Lombo Nanga Nlep Pa. Ces trois descendants s’installent alors au plateau Joss à Douala. Ils sont rejoints vers 1600-1700 par les « Duala » qui viennent alors du Congo voisin (ex-Zaïre). Entre les deux peuples, la cohabitation n’est pas facile.
La première bagarre survient à la suite d’un mariage entre un homme Bassa et une fille Douala. L’époux Bassa réclame comme dot des terres. Les Douala lui tranchent le bras. Les Bassa gardent leur calme. Lors du mariage entre, cette fois, une fille Bassa et un homme Douala, les Bassa refusent de céder des terres. Les Bassa tranchent le cou de l’homme. Les relations deviennent alors de plus en plus hostiles entre les deux peuples. Les Bassa décident d’aller ailleurs, un lieu où il n’y aura ni haine, ni bagarre. Ils migrent vers Ndokoti. C’est «là où rayonne le soleil».
Le général Charles de Gaulle y a passé quelques jours
Les Bassa vivent dès lors dans la paix et l’harmonie. Pour vivre, ils cultivent les grains de courge, les légumes et les féculents. Durant la 2ème guerre mondiale, les Français ont besoin de l’apport des Africains pour combattre les Allemands. Les Camerounais, sont concernés.
Le village Ndokoti est l’un des quartiers généraux des troupes de l’Hexagone. De passage au Cameroun pour mobiliser et encourager les troupes, le général De Gaulle y passe quelques jours. Née le 7 août 1954, Emma Eniengue Dipoko Koussaka m’a expliqué ce que ses parents lui ont dit : « à l’époque, les blancs ont demandé aux autochtones d’aller ailleurs ».
Roger Milla y a effectué ses premières dribbles
Après la guerre, les autochtones rejoignent leur village. Parmi eux, se trouvent les grands-parents de Roger Milla, le meilleur joueur camerounais ‘africain même) de tous les temps. Ils donnent naissance à sa maman, qui plus tard épousera un homme d’un autre village (Japoma).
N’empêche, le petit Roger Milla passe régulièrement ses week-ends et vacances au village Ndokoti. Il joue sur des terrains à ses temps perdus. Le village vient l’observer à l’œuvre. Charles, aujourd’hui âgé de 67ans, a été l’un des spectateurs. Il a vu le jeune Roger à l’œuvre. «C’était un génie ma fille. Tout le village venait l’observer jouer.
Lorsque j’ai achevé mon histoire, j’étais très satisfaite de moi. Pour une fois, je n’ai pas dit « oh les embouteillages m’ont retardée ». Personne ne m’a entendu dire « ces commerçants m’ont… ». Au fond de moi, je sais que, désormais, mon regard sera différent lorsque je passerai à Ndokoti. Quelle découverte…
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