Envoies-moi une lettre, pas un Sms
Selon le site internet Langue française en danger, les lettres par voie postale ne pèsent plus que 5% du nombre de l’expression écrite en France. Quand je lisais ces statistiques, je me posais de nombreuses questions. J’essayais en vain de comprendre pourquoi écrire une petite lettre à un proche était devenu si difficile de nos jours. Je me moquais même à la limite de ces « incapables » sans savoir que j’allais en devenir une. Et je le suis aujourd’hui. Depuis quatre jours exactement !
Je dois écrire une lettre à ma grand-mère vivant au village, à l’ouest Cameroun. Avant, je l’appelais au téléphone et on parlait de tout et de rien. Mamy me parlait de ses champs, des rats qui rongeaient ses récoltes, de la voisine qui volait ses poussins, des pluies qui tardaient à arriver… Elle me communiquait surtout cet amour dont j’avais tant besoin. Mais, depuis quatre jours, un verdict médical a tout chamboulé: Mamy souffre de surdité. Quoi ! Vous ne comprenez pas ? C’est pourtant simple. Je ne pourrais plus jamais l’appeler au téléphone tout simplement parce qu’elle n’entendra plus rien. Nos conversations téléphoniques régulières sont donc finies. Le docteur explique que c’est dû à son âge avancé. « Cela pouvait arriver à tout moment », a-t-il tenté de me consoler au téléphone. Voilà la réalité ! Je n’ai pas voulu m’apitoyer sur mon sort. Il me faut coûte que coûte rester en contact avec elle. Pour cela, j’ai décidé de lui écrire une lettre. Enfin, des lettres, et ce de manière régulière.
La tentation du SMS
J’ai d’abord pensé à lui envoyer un SMS par téléphone. Comme cela aurait été plus facile pour moi. Le problème, c’est qu’elle ne sait pas lire. Et puis, même si mes cousines peuvent lire à sa place, qu’est-ce que j’écrirai en si peu de caractères ? Surement quelque chose comme :
Bjr Mamy. Tu sais bien ke g t’m bcp. g work dur o school tu sais. g s8 si triste du fait ke tu sw malade. g prie chake jr pr ke Dieu te doe longue vie. Ta ptite fille Josiane ki t’m. g te doe 1 gros bizu…
Non ! Je vois d’ici leurs sourires moqueurs. Enfin une petite revanche sur cette petite « bimbêche » de Josiane ! « Mamy est ce que tu sais que Josiane ne sait pas écrire ? Je ne lis même pas ce qu’elle a dit dans le message. Moi-même qui suis en classe de troisième, j’écris mille fois mieux qu’elle », dira certainement l’une de mes cousines, l’air satisfait. Et je deviendrai ainsi la risée de ma famille. Mamy se dira peut être que je n’ai pas voulu l’écrire ou alors que je suis une « moins que rien ». Non ! Je préfère lui écrire une lettre. J’aurai ainsi assez d’espaces pour lui parler de tout, pour converser en quelque sorte avec elle comme avant.
Comment écrire une lettre ?
Seulement, cela fait plus de 10 ans que je n’ai pas écrit une lettre. Je ne sais plus comment on commence, ni comment on achève une missive. J’ai écris une première, une deuxième, une troisième, une quatrième lettre. Je les ai toutes froissées et jetées. Elles me semblaient n’avoir ni tête ni queue.
J’ai demandé de l’aide auprès de mes amies. Et là, surprise : « Je suis désolée Josiane. Je n’ai jamais écrit une lettre de ma vie », « Une lettre ? Mais envoie un SMS Josie, c’est plus facile », « Il y a le téléphone, appelle ma chère »… J’ai été stupéfaite par ces réactions.
Auprès des garçons, c’était pire :
« Une lettre ? Même la drague ne se fait plus ainsi, ça c’était au temps des grands-parents. Il faut évoluer avec le monde. Le téléphone et internet ont tout changé », « Les lettres sont démodées. Pourquoi tu aimes toujours les choses de l’antiquité hein ? », « Euh ma première copine a failli me défoncer le visage parce que je l’avais promis une lettre. Ça ne se mange pas, m’a-t-elle dit », « Désolée, j’ai bien 29 ans, mais je n’ai jamais écrit une lettre. Je ne peux pas t’aider Josiane »…
Je me suis tournée vers mon petit frère, élève en classe de quatrième et là, j’ai vite déchanté : « Je t’assure, je ne sais pas bien comment écrire une lettre ».
Comment ? Je lui ai donné comme punition l’écriture d’une lettre. Mais en attendant, je dois écrire une longue lettre à Mamy, un peu comme celle écrite par l’écrivain sénégalais Mariama Bâ, Une si longue lettre (1979). J’ai pourtant lu le livre. Je peux donc écrire ? Pas sûr ! Où va l’avenir de la lettre alors?
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