Cameroun: sénateurs ou députés, quelle différence?
J’ai été témoin de l’histoire. Comme de nombreux Camerounais, j’ai assisté à la toute première élection des sénateurs de mon pays. Après 17 ans d’attente, le tout premier président de la chambre haute est connu! Marcel Niat Njifenji est désormais le N°2 du pays. Si jamais une rumeur sur la mort de Paul Biya survient comme en 2004, on ne pourra plus craindre le pire. Le président du Sénat assurera l’intérim comme le précise la constitution. 100 sénateurs! J’aurai au moins eu quelque chose à raconter à mes enfants sur leur pays si ces sénateurs ne me rappelaient que trop les députés. Au Cameroun, on dit «honorables», comme sénateurs d’ailleurs. Ce sont des élus du peuple (oublions pour une fois les fraudes électorales quasiment présentes à chaque fois).
Rien n’a changé avec les députés…
Ironique non ? Les Camerounais (moi compris), n’ont pas d’eau potable, pas d’électricité, pas de routes, pas de boulot, pas de quoi manger. L’étudiant a un futur incertain. Les parents ne savent plus ce que deviendront leurs enfants. Ils sont pourtant l’avenir du pays. Des jeunes bravent le désert, la mer et l’océan pour partir. «Vivre au Cameroun est un calvaire. Je préfère mourir dans ma pirogue de fortune», se disent-t-ils.
Et pendant ce temps, les «élus» que nous avons votés pour nous défendre, pour tirer les oreilles à ces ministres qui ne font pas leurs devoirs et pillent les caisses du pays, sont logés dans les plus grands hôtels, mènent la vie de pacha. Font du tourisme à travers les cinq continents et nous oublient.
Combien de fois ai-je vu un député élu dans ma localité en dehors de la veille d’autres échéances électorales? Honnêtement je ne me rappelle plus. Normal! En dehors de nos voies, quelle utilité avons-nous pour eux? Oh mon Dieu! Je m’y perds là. J’avais décidé de vous parler des sénateurs, c’est nouveau pour moi! Première fois au Cameroun, je vous dis.
Sexagénaires, septuagénaires, octogénaires, nonagénaires… Que pourront ces sénateurs ?
Après avoir pris le temps de me renseigner sur les premiers sénateurs de mon pays, j’ai perdu mes illusions. Entre leur âge et leur ancien statut, il n’y a vraiment pas de quoi se réjouir. Ils ont travaillé pendant des années pour le gouvernement en place. Et les mêmes problèmes se répètent encore aujourd’hui. « Rien n’a changé quand ils étaient là », m’informe mon voisin. Et leur âge alors ? Sexagénaires, septuagénaires, octogénaires… Le président a 79 ans, le doyen d’âge 95 ans. Ils ont le temps du repos. Ils sont à la période de leur vie où les évacuations sanitaires sont récurrentes, les contrôles médicaux réguliers. Ces sénateurs ont des salaires plus que confortables. Ils sont surtout les « fidèles du régime », comme le dit le politologue Owona Nguini. «Paul Biya a récompensé ses amis », dit-il.
Alors, ai-je tord de dire qu’ils ne peuvent pas dire avec courage et fierté à Paul Biya:
M le président, ne modifiez plus la constitution? Ne vous représentez plus en 2018, vu votre âge ?
M le président, cessez de truquer les élections ?
M le président, est-ce normal de proroger à chaque fois le mandat des députés ?
M le président, où va l’argent du pétrole ?
M le président, pourquoi certains ministres sont arrêtés pour corruption et d’autres pas ?
M le président, les étudiants souffrent ? Il faut changer le système ?
M le président, le peuple souffre, il a besoin de changement ?
Non ! «Rien ne doit changer avec la venue de ces sénateurs», m’avait averti un ami à l’annonce des élections sénatoriales.t Et il avait raison ! Vous savez pourquoi? Le peuple a besoin de changement, mais ce sont les mêmes qui sont au Sénat. Anciens ministres, anciens délégués, anciens cadres… reconvertis en sénateurs. Entre les députés et les sénateurs, je ne vois vraiment pas la différence. Cette nouveauté a pour moi un goût amer !
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