Ça passe ou ça casse avec la police au Cameroun
Vous allez croire que j’exagère. Pourtant, l’histoire reflète une réalité qui poignarde des Camerounais dans leur chair.
Un papa avait deux petits enfants. Ils étaient élèves au Cours élémentaire. Il les avait avertis en début d’année scolaire. «Si vous ratez votre entrée en classe supérieure, je vous donnerai une bonne leçon inoubliable». Et à la fin d’année, on a remis les bulletins de notes aux deux enfants et malheureusement, aucun d’eux n’avait réussi. Le soir venu, le père leur a demandé de venir avec leur travail. Le premier avait une moyenne de 8/10. Enervé, le père lui a donné une belle correction. Il a été copieusement battu. Le second qui avait obtenu une note de 6/20, n’a pas été puni. Au contraire, papa a même souri à la vue de son carnet de notes.
Etonné et fâché, son frère lui a demandé une fois qu’ils étaient hors du regard de leur géniteur, d’un ton presque accusateur:
-Mais comment tu as fait ? Papa m’a tellement fouetté que j’ai l’impression d’être au paradis. J’ai eu 8 et toi 6. Même la maîtresse dit que je suis plus intelligent que toi. Mais papa ne t’a rien fait. Stp comment tu as fait ?
Son frère a alors éclaté de rire.
-Que tu es bête comme cette maîtresse qui sait seulement voler mon petit déjeuner! Papa est policier. J’ai fait comme des taximen au contrôle de police. J’ai mis un billet de 500 F.Cfa dans mon bulletin. Je savais que papa allait être très très content de moi. Il va boire une bière avec cet argent, j’en suis sûr, répond-t-il alors avec fierté, tout innocemment.
Cette histoire tournait en boucle dans ma tête lorsque j’écoutais le dernier baromètre mondial de la corruption d’Amensty international à la radio. Selon cette enquête réalisée auprès de plus de 1000 Camerounais, la police est le corps le plus corrompu au Cameroun, avec 69% de taux de corruption. Cette information ne m’a pas du tout surprise. Au contraire, difficile d’ignorer des liens entre pots de vin et des policiers. Si un petit garçon, haut comme deux pommes, est déjà plongé dans les secrets policiers, c’est que l’avenir s’annonce difficile au pays.
Témoignages :
-Dès que le policier tient entre ses mains les dossiers de ma voiture, je sais que je suis mal parti. Que tu sois complet ou pas, tu dois « négocier». Si non, ta voiture passe en fourrière. Mais, je dois faire comment ? Mes enfants doivent manger. Je «négocie». T’informe un taximan. Comment ?
-Je donne quelque chose, un peu d’argent ! Pots de vin contre services. Classique l’histoire. Allez voir dans un commissariat. Le président de la République l’a pourtant annoncé en grande pompe sur les antennes de la télévision nationale (normal, c’est déjà un électorat acquis à sa cause. Que c’est facile de tromper les démunis) : -L’établissement des cartes nationales d’identité est gratuit Que te dis le policier ?
Tu le sais par cœur :
-C’est vraiment gratuit. Mais, tu sors de chez toi avant le chant du coq et tu rentres le soir, après le coucher du soleil sans être servi durant au moins trois jours de suite. Le bon premier devient le mauvais dernier. Et là, tu «grattes » un peu ta poche, plus que le 50ème, pour espérer, toi le 1er des 1ers ,être placé au moins 40ème. Ton voisin vole tes poules et tes poussins.
Tu pars te plaindre au commissariat du coin. Mais, lui qui a «ses relations» et frères policiers, lui qui a un peu de «ndo » (argent) pour fermer l’œil des policiers, devient bien vite le plaignant et toi l’accusé. Ah, qui disait déjà que les vrais voleurs sont en prison?
Oh le Cameroun, mon pays! 117 un numéro! Ça sonne au bout de la ligne. Ça sonne…Décroche, décroche bon sang ! -Pourquoi tu perds ton temps toi. Ils ne vont pas décrocher ! Mais, toi tu insistes, insistes et insistes jusqu’à la énième sonnerie (le jour s’est déjà levé paraît-il). Enfin on décroche :
-Bonjour Monsieur. Svp je vous appelle pour vous dire que des bandits sont entrain de cambrioler ma maison. Au secours ! Que tu es chanceux, ils n’ont pas encore raccroché.
– Vous nous appelez d’où ? – Heu…Quartier… Toi aussi, tu pensais qu’il allait venir dans ton coin réputé méchant là ?
-Attendez demain Mr, tonne une voix autoritaire. (Ça c’est de la police. Cette voix fera fuir le bandit là qui est à deux pas de chez moi) Il se fait tard ! Et puis, silence au bout de la ligne !
– Donne-moi ce téléphone ! Vite, te presse alors le malfrat qui t’a rejoint, kalachnikov à l’appui ! Le nouveau maître a tout pris et il est parti. Le lendemain, les policiers viennent en renfort faire libérer le malfrat qui a violé ma sœur, fusillé mon père dans la nuit. Je l’ai pourtant appelé au 117 dans la nuit.
Chers policiers, faites votre travail. J’ai honte de voir votre nom dans une liste d’Amnesty International. Le monde vous regarde, nous regarde. J’entends d’ailleurs d’ici, des gens dire : -Encore le Cameroun ! Toujours aussi corrompu ! Même la police est entrée dans le jeu. Non, il y a parmi vous ceux qui font du bon et vrai travail. Je les en remercie d’ailleurs. Mais, une seule main n’attache pas un fagot de bois ! De grâce, protégez nous, faites ceux pourquoi vous êtes payé !
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