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Le soleil de 30 ans n’a pas éclairé la jeunesse Camerounaise


Nés entre janvier et décembre 1982, plusieurs jeunes affirment que leurs rêves ne se sont pas réalisés. Pour eux, l’avenir s’annonce de plus en plus «incertain», mais ils ne baissent pas les bras.

Ne parlez pas de la politique à Jean Christel Moutongo. Abstenez-vous d’évoquer les noms des politiciens en sa présence. Pis, le nom du président du Cameroun, Paul Biya. Nous sommes pourtant le 6 novembre 2012, un jour qui reflète l’histoire du Cameroun, un jour qui matérialise les trente années de magistrature suprême de l’actuel président. C’est que, Jean Christel, comme la majorité des jeunes Camerounais, vit au rythme du chômage, de la corruption et surtout de la pauvreté de plus en plus « inquiétante », des fléaux qui  minent le Cameroun. «L’avenir me semble de plus en plus inquiétant et incertain », dit-il l’air visiblement préoccupé. L’étudiant en 2ème année de maintenance des systèmes informatiques de l’Institut africain de Né le 11 novembre 1982, Jean Christel est un enfant de l’ère Biya, tout comme environ 70% de la population Camerounaise plus active dans le secteur informel. Jean Christel Moutongo vend des accessoires pour téléphones portables durant les jours où il ne va pas à l’école. Une situation que le jeune homme n’a jamais souhaitée dans sa vie. « J’ai rêvé d’être chef d’entreprise et marié avant 30 ans. Malheureusement, je suis encore  étudiant à 30 ans», déplore-t-il.

Un technicien supérieur, maçon,  à 30 ans

Tout comme Jean Christel, le secteur informel a séduit Thierry Takam, né le 22 novembre 1988. Après  trois années de « navigation à vue », après l’obtention de son Brevet de technicien supérieur (Bts), le jeune homme a déposé des nombreses demandes d’emploi sans suite. « J’ai fait un an et six mois de stage. Je n’ai pas été employé », se souvient Thierry. Face à cette injustice, le jeune homme commence à fréquenter des chantiers de construction pour gagner de quoi vivre. Il s’habitue  au travail quelque peu « pénible ». « Je gagne de quoi vive aujourd’hui. Même si souvent mes amis se moquent de moi en disant que je suis technicien supérieur», se réjouit Thierry.

 

Un licencié, mototaximan,  à 30 ans

Olivier, a obtenu sa licence en droit en 2006 à l’université de Douala. Malgré tous les « réseaux  de travail » que son oncle a tentés de lui dénicher, rien n’a marché. Le jeune homme a refusé de monnayer un travail à la fonction public. Il a refusé de payer la somme d’un million de F.Cfa pour ce travail. Olivier achète alors son porte-tout et vend les fruits dans les rues de Douala. Un an plus tard, il achète sa moto. « Le jour où le président actuel n’y sera plus, je serai heureux », explique le jeune homme, né le 13 décembre 1982.

Coiffeuse, avec un master II à 30 ans

Avis que partage, Carole, diplômée en master II en ressources humaines. La jeune femme ne cache pas le fait qu’elle est une « enfant malheureuse de l’ère Biya ». En effet, née le 7 novembre 1982, soit un jour après l’accession à la magistrature suprême du président. 30 années qu’elle juge « stériles et sans direction ». La jeune mère célibataire,  malgré son niveau d’études élevé « joue le maintien ». Elle possède  son propre salon de coiffure. « J’ai espoir qu’un vent nouveau arrive », dit-elle pour se donner du courage.

De nombreux jeunes, nés entre 1982 et 2000, ont le même espoir. Ainsi que leurs parents qui  nourrissent des rêves secrets d’un avenir « certain et agréable » pour leur enfant même si la paix reste pour l’instant le seul point positif qu’ils trouvent au régime actuel.

 

 

 


Dans la peau des prostituées de « Nelson Mandela »

Enquête. A l’ancien carrefour « j’ai raté ma vie »,  à Douala au Cameroun, sexe et drogue font partie du quotidien des belles de nuit. Pour y travailler, la solidarité est de mise.

18 heures 30 heures ce jeudi  au carrefour Nelson Mandela connue sous l’appellation de carrefour « j’ai raté ma vie » au quartier Village à Douala au Cameroun. Devant le bar « Madiba », se tient une jeune fille, la vingtaine,  vêtue d’une petite jupe de couleur rouge qui s’arrête au dessus des cuisses. Elle porte un haut ultra moulant au décolleté plongeant qui expose son ventre et ses seins. Quelques minutes après, une autre fille arrive. Elle est vêtue  d’un petit short  communément appelée « matelot ». Son haut dévoile également ses seins. Ici, c’est un peu le « dress-code » pour les prostituées de ce carrefour. Bon moyen d’attirer les clients. Et pas le seul. Bientôt 20 heures. Plusieurs femmes sont déjà débout, de part et d’autre et tout au long de la route. A proposer leur charme au tout venant. Il y en a de tous les goûts et surtout de tous les âges.
Au fur et à mesure, d’autres filles arrivent et se placent à l’entrée des ventes emporté aux alentours. « Le grand bateau », « le Metro », « Flotambo » sont tous pleins. Leur âge varie entre 16 et 65 ans. Du côté de la route où se trouve le bar « le Grand bateau », seules des femmes âgées entre 16 et 45 ans, sont visibles. De l’autre côté, tout au long de la rue longeant le bar « Lion Blanc », des femmes âgées entre 45 et 65 ans,  sont positionnées de la même façon. Elles sont vêtues de petite tenue. Certaines portent des robes près du corps, d’autres sont vêtues de robes amples communément appelés « kaba ». C’est le côté des « mères », apprend-t-on. Le côté des jeunes filles semble le plus animé. Les hommes aussi semblent prisés un peu plus ce flanc. C’est également le côté où se concentrent les commerçants  de poissons, de viande à la braise et de cigarettes. Les chansons de Lady Ponce, Majoie Ayi, Amazone jouent en boucle à travers des hauts parleurs.
2 000 F.Cfa par semaine
Pour approcher ces femmes, il faut se faire passer pour une nouvelle prostituée «C’est comme ça que vous venez jouer les malheureuses pour après prendre tous nos clients. Dégage hypocrite », fulmine une prostituée. Une autre près d’elle réagit de la même façon. Elles ne veulent pas d’une « nouvelle concurrente ». Elles se mettent à huer sur moi. Mimi, une prostituée placée non loin de là est moins craintive. Elle accepte de me prendre sous son « aile ». «Il faut savoir qu’ici, c’est l’aide qui compte. On n’est pas là pour arracher les clients des autres », avertit-t-elle. Après cette mise en garde, elle donne des directives. «On cotise 2 000 F.Cfa toutes les semaines aux forces d’auto-défenses. Ensuite, ça dépend de toi. Si tu as des clients, tu peux te payer une chambre par soirée. Tu choisis l’auberge de ton choix et tu vois avec le responsable », explique Mimi.
Mimi est cependant claire « Si tu essaies de prendre mes clients, je te file une bonne maladie et tu verras ». Elle m’introduit à une autre prostituée. « Si tu veux te protéger, soit tu te prends un gardien, soit tu sors avec lui », lance celle-ci, le regard allant de gauche à droite à la quête des clients. « Viens chéri. C’est moi la plus belle. Viens voir », lance-t-elle aux hommes qui passent. Les autres filles crient presque. Certaines soulèvent leur jupe pour montrer ce qu’elles portent en dessous. Elles n’ont pas de culotte. D’autres abaissent leurs hauts pour laisser apercevoir leurs seins. « Tu vois, c’est comme ça qu’on se débrouille dans ce métier. Tu te bats ou tu perds tout », dit Mimi. Un homme, âgé d’une quarantaine d’années, vêtu d’un pantalon jeans et d’un t-shirt,  s’arrête devant elle. Il tient trois téléphones à la main. « C’est combien ? », demande-t-il. « Tu veux pour combien ? », rétorque Mimi.
 
L’homme propose 1 000 F.Cfa. Mimi refuse. Après plusieurs discussions, le prix est finalement arrêté à 1 500 F.Cfa. « C’est pour un coup nue », précise Mimi. L’homme hoche la tête et tous deux se dirigent vers une maison située non loin de l’hôtel Latino. Il est 20 heures 45. Après leur départ, un autre homme approche. Il semble être un habitué des lieux. En effet, il se dirige vers deux filles postées devant le bar le « Metro ». « Alors chéri quoi de neuf aujourd’hui », lancent-elles à son arrivée. Il se contente d’un sourire. Ils chuchotent à voix basse. Juste après, ils se dirigent vers une auberge. Le même manège se déroule tout autour. 21 heures 20 minutes. Mimi revient. Le sourire aux lèvres. « Il a fait deux coups et il m’a ajouté 750 F.Cfa», se réjouit-elle. Mimi se tourne vers un homme qui arrive l’air pressé. Ce dernier l’explique quelque chose à voix basse. Mimi secoue négativement la tête et il s’en va.
Clients chinois
 « C’est un barman. Il est venu pour me placer près d’un client. J’ai refusé parce que hier, il a pris plus d’argent », explique-t-elle. La jeune fille raconte que ce dernier l’aide « parfois » à trouver des clients quand le marché est dur. En échange, elle lui donne une côte part qui peut aller jusqu’à 2500F.Cfa. En effet, si le client la prend pour toute la nuit, elle lui donne entre 2000 et 3000 F. Dans le cas contraire, la jeune fille négocie en fonction du prix donné par le client. « Les clients leur donnent d’abord de l’argent pour leur déplacement. C’est bien de fonctionner avec des barmans», dit une prostituée. C’est de la même manière que se passe le marché avec les gérants d’auberges. « Ils cherchent des femmes à des hommes qui ne veulent pas se faire voir. Ils ont aussi leur côté part », précise-t-elle. Cette prostituée explique que les chinois viennent de la même manière. « Ils restent dans les auberges et ils envoient ces aubergistes nous chercher », explique Mimi.
Elle précise en outre que ces derniers sont les clients les plus « chiches ». « Ils sont toujours par groupe de sept. Ils prennent environ 14 filles. Mais ils vous paient à peine 3 000F », regrette une vendeuse de charme. Parmi ces clients « peureux » comme elle les appelle, elle cite entre autres des policiers, des gendarmes, des militaires, des hommes d’affaires et surtout des hommes mariés qui ont peur de se faire voir. « Si c’est 5 000F, je donne 1000F à l’aubergiste. Si c’est 2000F, je lui donne 500F », précise une autre prostituée. Ces derniers à leur tour marchandent avec le client. « J’ai des clients à qui je donne des filles. Certains me donnent 500F, d’autres 1 000F et parfois 2 000F », confie un barman. Pour Chris, un aubergiste, la négociation avec le client se fait en fonction de la fille. « Il y a ceux qui exigent des filles de teint clair. D’autres des filles de grande corpulence. Dans ces cas, ils me paient entre 1 500 et 3000F car ces filles ne sont pas nombreuses », continue Chris.
Chanvre indien
Dans ce marché de « sexe » du carrefourNelson Mandela, des transactions se font dans la nuit. Pour se donner du courage, les prostituées consomment du chanvre indien. Elles se ravitaillent chez des chargeurs de la ligne de Bonaberi. Elles achètent le mégot de drogue à 100F la baguette. Par nuit, Mimi fume environ cinq baguettes. « Ça rend plus fort. Et ces cigarettes me donnent de la force pour partir avec tous ces hommes», justifie Mimi. Sa copine, elle, est la petite amie d’un vendeur de chanvre. « Je n’ai plus besoin d’acheter, il me fournit de la drogue tous les jours », se réjouit-elle. Cet ami joue également le rôle de protecteur. Il fait partie des 35 hommes d’auto-défense qui sécurisent le carrefour « J’ai raté ma vie » tous les soirs. Mimi est aussi protégée par l’un de ces gardiens. « En dehors des 2 000F qu’on paie, il faut aussi savoir que de temps en temps, tu lui donnes un peu de tes charmes. Comme ça, même si tu as les problèmes, il intervient », confie-t-elle.
Cette complicité avec les prostituées ne plait pas à tous les hommes d’auto-défense. Pour François Christian Tchounga alias « bebey », l’homme le plus craint du carrefour « J’ai raté ma vie », cette entente encourage des vols et des actes malsains de la part des prostituées. « Avant, quand une prostituée dépouillait un client, bagarrait avec ses collègues ou à défaut faisait une faute, elle était chassée du carrefour pour quelques jours et parfois même définitivement. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui », regrette Christian Tchounga. A l’en croire, certaines prostituées sont protégées par des policiers et des gendarmes. Ce qui leur complique la tâche. « Certaines sont protégées par un commandant. Elles font ce qu’elles veulent dans ce carrefour. Ce commandant m’a appelé pour me menacer plusieurs fois», se plaint-il. Christian explique en outre que, la somme de 2 000 F.Cfa prélevée chaque semaine auprès de plus de 150 prostituées n’aide pas le carrefour à sortir de ce fléau.
« C’est un acte de banditisme. Le chef doit trouver un autre moyen pour payer les forces d’auto-défense », conseille Christian. De son côté, le chef du quartier, Samuel Fagna, indexe la population. Pour lui, les riverains encouragent ces mauvaises pratiques  en transformant leurs maisons en « chambres de passe ». « Certains sont partis vivre au village pour laisser leur maison aux prostituées », dit-il. Samuel Fagna accuse également les forces de maintien de l’ordre. « Chaque soir, ils garent leurs véhicules et collectent de l’argent dans des auberges et salles de jeu. Après les éléments du 8ème, c’est ceux de l’intervention rapide qui viennent et ensuite des éléments de la centrale n°2. L’Etat ne fait rien pour ça », se plaint-il. Au commissariat de sécurité publique du 8ème arrondissement de Douala, un officier affirme qu’ils font des rafles dans ce carrefour. « Nous arrêtons certaines. D’autres sont même déférées sans que cela ne change. Elles reviennent toujours », reconnaît l’officier.

Josiane Kouagheu


Les camerounaises ne donnent pas de sein

D’après l’Unicef, seules 20 femmes sur 100 allaitent leur enfant au sein au Cameroun

Le fait est habituel à Douala. Des femmes nourrissent de plus en plus leur enfant avec du biberon, du lait artificiel. Stéphanie Mbia, une jeune maman de 23 ans, vient de mettre au monde un petit garçon de 3,2 kg. La famille est heureuse ce samedi 13 octobre 2012 au quartier Oyack à Douala. Cette joie est vite ternie lorsque la jeune étudiante en communication annonce qu’elle n’allaitera pas son fils au sein. Les rires qui quelques minutes plus tôt fusaient de partout dans la chambre peinte en blanc, se transforment en protestations. La mère de Stéphanie utilise tous les arguments possibles. « Stéphanie ton fils n’aura pas de force. Il faut le nourrir au sein », supplie-t-elle. Malheureusement sa fille reste sourde à ses conseils. Elle ne veut pas que sa poitrine s’affaisse, elle préfère nourrir son fils au biberon pour « rester toujours désirable ».

Comme Stéphanie, de nombreuses Camerounaises ne donnent pas de sein à leur enfant. A en croire l’Organisation des nations unies pour l’enfance (Unicef), seules 20 femmes sur 100 allaitent au Cameroun. L’Unicef explique par ailleurs qu’«un enfant qui n’est pas nourri au sein est 14 fois susceptible de mourir dans les six premiers mois que celui qui l’est». Cette étude révèle en outre qu’en nourrissant un enfant au sein jusqu’à l’âge de deux ans, on prévient le retard de croissance.Ce constat ne fait malheureusement pas peur aux femmes.

Pour Christian Locka, président de l’association Action pour l’humanisation des hôpitaux (Acthu), ces femmes choisissent l’allaitement maternel parce qu’elles sont mal conseillées. «Quatre mères sur 10 ayant fraichement accouché reconnaissent avoir été conseillées par les professionnels de la santé pour utiliser le lait artificiel alors qu’elles ne présentaient aucun problème clinique, ni leur bébé», déplore-t-il.

Une femme allaite son enfant

Priver un enfant du lait maternel entraîne de nombreuses maladies aussi bien chez le nourrisson que chez la mère. En effet, chez l’enfant, cette absence se ressent plus tard par des maladies telles l’asthme, les maladies respiratoires sévères, les infections causées par des préparations contaminées, les maladies cardiovasculaires, le diabète, l’obésité, les infections gastro-intestinales, les troubles auditifs. La mère coure des risques d’attraper le cancer ovarien, l’ostéoporose, l’arthrite, le stress, et le diabète.