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Cameroun: des enfants au cœur du gouffre tribaliste

Il y a des maux qui divisent le Cameroun. Il y a le tribalisme qui l’embrase. Lorsque Danielle a parlé d’un billet collectif sur « les formes de rejet », j’ai pensé à plusieurs choses. J’ai eu une scène en tête: il y a de cela quelques mois, j’ai assisté à ce que je considère comme le plus grand scandale de l’église catholique au Cameroun. L’université Catholique d’Afrique centrale (Ucac) a été secouée par une histoire tribaliste. Des hauts cadres de l’établissement, des hommes de l’église pour certains, s’insurgeaient contre le fait que des enseignants et étudiants de la région de l’Ouest étaient majoritaires dans plusieurs facultés telles la faculté des Sciences sociales et de gestion. L’affaire avait tenu en haleine le Cameroun. C’était d’autant plus ironique qu’il s’agissait de l’église. «Dieu ne distingue pas les régions», dit-on toujours. «Mais alors, si l’église pose ce genre de problème, où est l’avenir ? ». Je me suis interrogée! Et les enfants dans tout ça ?

Au milieu de ces débats tribalistes soulevés, j’ai toujours eu peur de l’avenir des enfants. Je m’interrogeais sans cesse sur ce qu’ils pensaient. Je voulais surtout savoir si au quotidien, dans leur famille respective, le problème tribaliste existait. Pour avoir le cœur net, j’ai décidé de m’investir sur le terrain. J’ai interrogé plus d’une vingtaine d’enfants. Certains parmi eux étaient âgés entre 7 et 13 ans, d’autres entre 15 et 18 ans. Pour ces derniers, adolescents pour la plupart, j’ai voulu avoir une idée sur leur passé. Les informations que j’ai recueillies m’ont donné des sueurs froides :

 Enfants âgés entre 7 et 13 ans…

«Il est trop chiche. C’est un vrai bamiléké. Je ne veux plus être ami avec lui». La petite Linda, 8 ans, ne cache pas sa colère contre son petit voisin de banc du Cours élémentaire 2 (CE2). Prince a refusé de lui casser une petite partie de son bonbon. Et du coup, la petite Linda sait pourquoi il l’a fait. Et j’ai voulu savoir d’où lui venait cette idée. Réponse :

«Je comprends quand maman parle. Elle dit toujours que les Bamilékés sont chiches. Ils ne donnent pas leur chose aux gens qui ne sont pas de leur village». Linda est originaire de la région de l’Est du Cameroun. Les Bamilékés sont originaires de l’Ouest, comme le petit Prince.

Et comme si cela ne suffisait pas, j’assiste constamment aux scènes de jeu des enfants. Et quand survient une bagarre :

«Regarde comment il est sale comme le porc. Il fait comme un Dshang (Ouest)». Et des éclats de petites voix s’élèvent. «Et toi tu es mince comme un Yaoundé (Centre). Je ne peux même pas être ami avec toi». Et à l’autre de rétorquer : «Tu penses que moi aussi je veux ? Je ne veux pas que ta famille me prenne dans  la sorcellerie». Le petit Junior n’a que 7 ans. Et pourtant, il écoute ses parents parler des Bouda, ressortissants d’un village de l’Ouest Cameroun, comme des grands sorciers. Idem pour Francesca, 12 ans, qui se dit que les hommes Haoussa (Nord-Cameroun), marchent toujours avec des longs couteaux, et tuent quand ils sont attaqués. «Papa le dit parfois », justifie-t-elle. La petite ne veut d’ailleurs pas d’un mari pareil.

 Entre 15 et 18 ans…

Ici, j’ai interrogé plusieurs filles. Et je me suis rendue compte qu’elles avaient dans leur tête, des interdits parentaux pour tel ou tel garçon ressortissant de telle région du Cameroun :

Eloïse a 16 ans. Elle vient de la région du Centre Cameroun. Dans la tête, elle a toujours des conseils de maman au frais. «Elle me dit que je ne dois pas sortir avec un Bamiléké car il ne peut pas bien prendre soin de moi. Son argent a les yeux». Et Vanessa qui au contraire, sur conseil de papa, ne peut pas sortir avec un homme du Centre car, «Ces hommes sont des coureurs de jupon. Ils dépensent beaucoup. A la fin, n’ont même pas d’endroits où dormir». Michelle est de la région de l’Ouest. Mais, d’après ses parents, elle doit éviter des camarades qui viennent des villages voisins : « Les bafangs sont hypocrites. Les Bangangtés aiment le commérage. Les Bafoussam aiment exploiter… »

 Chez les garçons, les interdits sont les mêmes…

Et à leur jeune âge, élèves brillants, leurs têtes sont remplies d’idées tribalistes. Que deviendront-ils demain ? J’ai les larmes aux yeux comme ce célèbre professeur d’université camerounais, Pr Jean Tchougang, qui disait: «c’est toujours très douloureux de constater que des considérations régionalistes entrent par effraction à l’académie pour neutraliser les circuits de l’objectivité, du savoir, du mérite et de l’excellence ». 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Cameroun : entre intimidations, violences et mauvaises conditions de travail, les journalistes résistent

D’après reporters sans frontières, 174 journalistes sont actuellement emprisonnés dans le monde. Et lorsque j’ai suivi ce chiffre comme toujours, je me suis rappelée de mes débuts. Lorsque j’ai dit à mes proches que je voulais faire des études de journalisme, j’ai eu droit à plusieurs réactions. Certains voulaient savoir si le métier rendait riche. D’autres, plus craintifs, me suppliaient de changer tout simplement de filière. «On tue trop les journalistes. Certains sont même emprisonnés à vie», tentaient-ils de me convaincre. C’était peine perdu.  Et aujourd’hui, après avoir passé du temps avec mes enseignants, journalistes pour la plupart, après avoir côtoyé des salles de rédaction, je comprends leur inquiétude. Non, le journalisme ne rend pas riche. Oui, l’exercer au quotidien au Cameroun n’est pas chose aisée.

RSF

Entre intimidations et violences…

Entre 2012 et 2013, j’ai suivi avec tristesse, le traitement fait aux journalistes dans mon pays:

Après la publication par le journal l’œil du Sahel, d’un article intitulé : «31 membres de Boko Haram livrés au Nigéria par la police», le 27 décembre 2012, Guibaï Gatama, le directeur de publication du journal est enlevé le lendemain alors qu’il se trouve dans un restaurant à Yaoundé. Il est conduit au Secrétariat d’Etat à la défense (Sed). L’enquêteur chargé de l’interroger ne sait même pas de quoi il est question. Il est obligé d’aller se renseigner avant de revenir. «Ils voulaient que je leur révèle mes sources», a expliqué Guibaï Gatama après sa libération autour de 21 heures ce jour. Et moi je m’interroge sur le but de ce genre d’arrestation.

Xavier Messe, le directeur de publication du quotidien Mutations et par ailleurs l’un de mes enseignants, a dû porter plainte le 24 octobre 2012 contre Bertrand Mboa Atangana. Ce dernier estimait que Xavier Messe «avait Sali le nom de son épouse en l’accusant d’avoir détourné 850 millions à la Camwater (camerounaise des eaux)». Outré, il a menacé le Dp. Dans la plainte de Xavier Messe, on pouvait d’ailleurs lire : «Il faut que tu saches  qu’à partir de maintenant, ta vie est en danger». Une menace qui n’a pas dissuadé le journaliste de continuer son travail. Tout comme Christian Locka, journaliste à l’agence de presse Jade, menacé de mort. Après avoir publié un article sur  une commerçante violée dans une cellule pour hommes dans un commissariat à Yaoundé, le journaliste a été menacé par le commissaire.

Dépénalisation du délit de presse…

Et moi, j’ai demandé ce qu’on pouvait faire pour arrêter ces violences et intimidations: «dépénaliser les délits de presse», m’ont répondu plusieurs aînés. Ainsi, m’ont-ils expliqué, les journalistes n’auront plus peur de dévoiler certaines informations et courir le risque d’aller en prison. Ils m’ont dit qu’il fallait une relecture de la loi sur la communication sociale au Cameroun du 19 décembre 1990 portant sur la dépénalisation. Ce matin encore, j’entendais dans une radio, le ministre de la communication, Issa Tchiroma Bakary, dire que : «le délit de presse ne se traduit pas par une privation de liberté, mais par des amandes». Et, s’agissant du cas de Jean marie Tchatchouang, directeur de publication du journal  paroles, inculpé pour diffamation et écroué à la prison centrale de New-Bell à Douala depuis quelques mois, Issa Tchiroma explique que: « c’est parce qu’il a commis un délit de droit commun à travers la presse».

Mauvaises conditions de travail…

 Le journalisme ne rend pas riche. Ça je le savais déjà. Seulement au Cameroun, on ne vit pas non plus de ce métier. Si on pouvait satisfaire ses besoins élémentaires, cela pouvait se comprendre. Je vois certains de mes aînés courir après les perdiem (argent remis après les conférences de presse), harceler les organisateurs des évènements. «Il n’y a rien pour nous ? », demandent-ils parfois sans honte. Au début, j’étais outrée par cette attitude. Mais, à force de dialoguer avec mes enseignants, j’ai compris beaucoup de choses. «Certains journalistes ont des salaires de clochard. Des arriérés de salaire allant jusqu’à trois mois. Le milieu va mal. Voilà le véritable problème. Les journalistes ne sont pas bien payés », m’explique Charles Nforgang, journaliste à Jade.

 J’ai demandé comme toujours ce qu’on pouvait faire :

Les aînés m’ont dit qu’il fallait que les patrons de presse appliquent la convention collective, qui précise la grille salariale des journalistes. Seulement, les patrons ne sont pas d’accord. «Je ne vois pas un directeur de publication payer des journalistes à 400 000 F.Cfa dans le privé. Le marché de la publicité est dominé par les médias publics. Nous n’avons pas de véritable subvention », m’a expliqué le Dp d’un organe de presse.

Je sais que le métier est précaire. Je sais que la presse va mal au Cameroun. Mais comme me le dit constamment Denis Nkwebo, rédacteur en chef adjoint du quotidien Le Jour, «il faut travailler, s’imposer et le reste viendra ensuite ».

 

 


Sénégal: dans l’univers d’Afia, une petite radio communautaire

A Dakar, dans le cadre de la formation Mondoblog, j’ai voulu visiter une radio. Pas une radio aux accents économiques avec de nombreuses publicités à l’appui. Non, je voulais visiter une radio au but social exclusif. Une radio en qui la population pouvait s’identifier. Un instrument de conseil, de sensibilisation et d’aide au peuple. C’était d’une radio communautaire que je voulais. Au Cameroun, lorsque je vais en vacances dans mon village dans l’Ouest, je suis si accrochée à la radio Midumba, une radio qui distille des programmes agricoles à sa population majoritairement constituée de cultivateurs. Des conseils aux femmes et dont l’antenne n’est pas pour «une catégorie de personnes». Elle est surtout différente des radios que j’écoute à Douala et dont les programmes sont choisi par but économique. A Dakar, capitale sénégalaise, j’ai appris qu’il y avait 6 radios comme Midumba. J’ai  décidé d’en visiter une, la petite radio communautaire Afia, qui signifie « paix et épanouissement », la 93.O FM.

Afia, une radio communautaire -By Josiane Kouagheu
Afia, une radio communautaire -By Josiane Kouagheu

Dans l’univers d’Afia

Accompagnée de Mapote, mon guide sénégalais par excellence, la Guadeloupéenne Mylène Colmar et l’homme du Mali, Michel Thera, mon binôme, j’ai débarqué dans l’univers d’Afia, une radio communautaire crée en 2003. Elle a été initiée par un groupement de femmes réunies autour d’une mutuelle d’épargne et de crédit qui se sont fédérées grâce à l’aide de l’ONG, Enda Graf Sahel. Située en plein cœur du quartier Grand-Yoff, l’un des plus pauvres de Dakar, la radio Afia occupe le deuxième niveau d’un immeuble à deux étages. Une situation géographique conforme à la population, je me suis dit. Car, la radio Afia a pour but d’informer, de sensibiliser, de promouvoir, de mobiliser et d’éduquer les habitants. Pour le faire, elle noue des partenariats avec la commune et la mairie de Grand-Yoff. Leurs messages et activités sont divulgués à la population via la radio.  Avec pour mission de service public, Afia n’a pas de publicité. Elle travaille plutôt en étroite collaboration avec des Ong. Les 15 émissions de la radio sont d’ailleurs essentiellement des programmes consacrés aux femmes, aux artisans et aux handicapés. Ils sont interactifs pour la plupart.

Les émissions les plus célèbres d’Afia

L’émission la plus célèbre, celle qui draine le plus d’appels des auditeurs est : «Voyance en direct ». Un programme qui donne la possibilité aux auditeurs d’appeler les deux «marabouts» (voyants) du plateau, Abdalah et Mara, pour exposer leur problème et trouver des solutions. «Dialogue social », qui occupe la tranche d’antenne 16h-17h30 est un programme de débat. Il permet aux journalistes, hommes et femmes de débattre des faits sociaux qui nuisent à l’épanouissement de la population. Chaque émission a son club d’auditeurs dans des quartiers de Dakar.  Les émissions sont diffusés en français, anglais, wolof, sérère…

Entretien avec la directrice d’Afia, Penda Ngame Sougou

 Lors des inondations qui ont frappé le Sénégal en septembre 2012, la radio Afia perd son antenne qui lui permet d’émettre à travers la ville. Penda Ngame Sougou, la directrice de la radio, ne baisse pas les bras. Elle mobilise des partenaires, fait passer des messages et obtient en fin de compte, l’antenne. Une ténacité qui force le respect de ses collaborateurs. Pourtant,  la jeune femme n’a pas voulu occuper ce poste de directrice au départ.
«Avant le décès du directeur en 2011, j’étais chargé des programmes à la radio. A sa mort, on m’a proposé de le remplacer. Je ne voulais pas. J’ai même proposé quelqu’un d’autre, mais ils n’ont pas voulu», se souvient Penda Ngame Sougou. Aujourd’hui, elle s’y plaît dans le rôle, même si le défi est immense pour la gestion d’une telle radio.

Un des prix glané par Afia- By Josiane Kouagheu
Un des prix glané par Afia- By Josiane Kouagheu

Une radio inondée de prix…

Et comme dirait quelqu’un, le travail paye. Et Afia glane des prix ! Le dernier en date remonte au 9 février 2013 où elle gagnait le prix du citoyen modèle, délivré par l’Association des jeunes cadres d’entreprises et intellectuels sénégalais. En 2007, la radio a été lauréate au Mali lors du festival des ondes et de la liberté. Notamment, dans le rôle d’une radio communautaire dans la lutte contre le Sida. En dehors de ces prix, la radio Afia a 6 diplômes d’honneur délivrés par les Associations sportive et culturelle (ASC). Des diplômes qui récompensent son travail d’écoute de la population.

Fiche de renseignements radio Afia :

Radio Afia FM – Sénégal

Fréquence Emplacement :93.0 MHz

Année de création: 2003

Situation géographique:  quartier Grand-Yoff

 Budget: 30 millions de F.Cfa

 Membres:

-18 membres permanents à Afia

-38 collaborateurs

Nombre d’émissions: 15

Nombre d’appels par mois:  100 000

Courriel:  radioafiafm@yahoo.fr


Ma Gorée d’exil

J’y étais! J’étais à Gorée. Mes pas ont frôlé cette terre, mes narines ont humé cet air, mon regard a gouté à sa mer… Après avoir écrit 9 poèmes sur l’île, j’ai toujours envie de pleurer, mais surtout de danser, de chanter, de sauter, de m’évader. Mon choix a été difficile, ce poème n’est pas le meilleur, il n’est non plus le mauvais. Je l’ai choisi pour vous:

La mer vue de la porte sans retour- by Josiane Kouagheu-
La mer vue de la porte sans retour- by Josiane Kouagheu-

 

Ma Gorée d’exil

 

La mer était calme ce jour

Comme l’innocent Bonjour

Du sourire d’amour

Sur les lèvres d’enfant.

Les vagues s’étaient adoucies

Un soleil s’était invité

Sur un ferry,

Qui allait quelque part

Sur la baie de Dakar.

Et soudain

Au lointain

J’ai aperçu un bloc de terre

Clair comme un verre

 

A pas de tortue

L’âme perdue

J’ai frôlé Gorée

Jadis l’île aux esclaves,

Pleine de spectacles

Il y avait la mer et le sable

Le sable et la mer

J’étais à Gorée

Solitaire et pourtant au milieu des autres

Ma Gorée étendait sa force

Comme un matin de printemps

Fière.

 

Dans sa maison d’esclaves,

L’âme apeurée avait disparu

Les corps mitraillés s’étaient perdus

Dans la mer.

Oh ! Que de souvenirs!

J’ai poussé des soupirs

Et aucun coup de fouet

N’a ébranlé ma tranquillité

Mes pas ont fait des bruits

Et nul n’a emprisonné mes nuits

Je suis allée à la porte sur la mer

La dernière qui jadis me reliait à ma chair,

Sans crainte d’aller vers d’autres terres

Inconnues comme le visage du passant

Imprévisibles comme le nouveau matin

 

Et des images ont hanté

Mon esprit plongé dans le passé

Point de mains enchaînées

Point de maîtres déchaînés

Point d’âmes enragées

Juste une Gorée de souvenirs

 

Je n’étais plus un homme

Je n’étais plus une femme

Je n’étais plus un enfant

Je n’étais plus un récalcitrant

A Gorée, j’étais un visiteur

Libre comme ses enfant-nageurs

Fier comme ses malins pêcheurs

 

J’ai croisé des souvenirs

J’ai dialogué avec l’histoire

Je ne voulais plus partir

J’avais trouvé mon reposoir

 

A Gorée, ma terre d’exil

Chez elle, mon âme est en exil

Comme l’hirondelle au champ de mil

Oh Gorée, Gorée! Ma Gorée d’exil !

 

Dakar, un petit matin du 9 avril 2013.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Taxi-charrette, le porte-tout sénégalais

Comme devant une scène que l’on observe pour la première fois, je reste environ deux minutes sans bouger. Je regarde, toute étonnée. Un cheval marche le long du trottoir. Il est soutenu par une charrette deux-roues surmontée des planches où sont disposés quatre sacs. Un jeune garçon, la vingtaine, tient les rênes de l’étalon qu’il fouette de temps en temps pour le forcer à aller plus vite. Par moment, une voiture s’approche si près du cheval et on pense subitement qu’il y aura accident. Que non! Il n’y a pas d’affolement dans la foule qui semble indifférente au danger. Elle est comme habituée. Et je comprends pourquoi : un deuxième cheval arrive, un troisième, puis un quatrième…Tous partagent la chaussée avec les voitures. Je remarque surtout qu’ils transportent uniquement des marchandises, pas des hommes. Et je m’exclame : mais à Douala au Cameroun, c’est un porte-tout, notre pousse-pousse national, qui fait tout ce travail ! «Ici ce sont nos taxi-charrettes», m’explique gentiment un Sénégalais, tout heureux d’aider cette touriste émerveillée. Du coup, ma curiosité est en éveil. Nous sommes le lendemain de mon arrivée au pays de la Teranga, un samedi.

Un taxi-charrette- Par Josiane Kouagheu
Un taxi-charrette- Par Josiane Kouagheu

Deux jours plus tard, lundi, je me retrouve au quartier Sacré-Cœur III, en face de la boulangerie jaune de Dakar, l’une des multiples gares de taxi-charrette de la ville. Je suis en face de Faye Pape, 52 ans, paraissant 10 de plus. La peau brûlée par le soleil, preuve de ses 35 ans de conduite, les vêtements usés, le quinquagénaire m’explique, sourire aux lèvres, étoile teintée de tristesse dans le regard, sa vie de charretier. 35 ans qu’il écume les rues de Dakar, transportant gravats, bagages, ordures et toute sorte de marchandises.

Pape Faye devant son cheval. Par Josiane Kouagheu
Pape Faye devant son cheval. Par Josiane Kouagheu

35 ans que cet originaire de Mbabaye, village situé derrière Bambey dans la région de Diourbel, parcourt la ville, à raison de 750, 1000, 1 500 à 2 000 F.Cfa la course, pour venir en aide à ses nombreux clients. Le «vieux » comme l’appellent affectueusement ses collègues, m’explique, nostalgique, ses premiers moments.

«Mes parents n’avaient pas de voitures. Ils utilisaient les charrettes pour se déplacer, transporter les produits des récoltes et se rendre en ville. Je suis né en 1961, j’ai connu ce mode de transport. C’est plus facile et moins cher, de transporter ses marchandises dans des charrettes à Dakar. Les taxis coûtent plus chers», m’avoue le père de 13 enfants.

Et comme pour justifier ses dires, j’aperçois à quelques mètres, un charretier prêt à partir.

Boubacar sur son taxi-charrette. Par Mylène Colmar
Boubacar sur son taxi-charrette. Par Mylène Colmar

Ce lundi, Boubacar Samb transporte des casiers ordinaires. Une course conclue à 1000 F.Cfa. A 33 ans sonnés, il possède déjà son étalon acheté à 450 000 F au village Toubatou, il y a cinq ans. Boubacar m’explique que depuis 6 ans il est «officiellement» charretier. Un métier qui le permet de nourrir sa petite famille, constituée de sa femme Béninoise et de ses trois enfants. Boubacar n’aime pourtant pas ce métier mais il « fait avec». Il le cache d’ailleurs à ses enfants. «Je n’aimerai pas qu’ils soient charretiers demain. Ce métier ne mène nulle part, on survit juste avec. Je souhaite faire autre chose dans l’avenir», me confie-il dans un soupir, comme pour oublier ses heures de dur labeur. Il n’oublie pas la commune qui ne veut plus de taxi-charrette dans la ville. «On dit que ça salie Dakar, on veut nous envoyer ailleurs», me lance-t-il ; le regard perdu. Ils sont chassés par les autorités et leurs taxis confisqués. Il faut alors verser entre 15 000 et 50 000 F.Cfa d’amande. Mais Boubacar, comme de nombreux autres charretiers ne baisse pas les bras. «On a besoin de nous à Dakar. Nous transportons ce que les taxis taxent chers. Les clients nous encouragent dans cette lancée», dit-il convaincant, même si son sourire crispé démontre le contraire.

N’empêche, l’activité leur permet de vivre, même si les charretiers me parlent plutôt de survie. Et sur un coup de fouet, Boubacar, lance son cheval vers l’avant, vers l’accomplissement de sa course et la recherche des nouveaux clients. Et à Dakar, le vrombissement des moteurs se mélange au bruit des  sabots des centaines de chevaux pour donner une chanson routière propre au peuple de la Téranga.


Ma blog-expo: Douala pictures

Bloguer! Je le fais en écrivant des billets, mais aussi en prenant des photos. En promenant mon appareil photo dans les rues de ma ville Douala, je découvre des lieux, des hommes et des femmes extraordinaires. J’ai voulu vous présenter ma première collection, afin, ma première exposition, pas des lieux que vous connaissez forcément. Ma blog-expo. Souffrez si certaines images ne sont pas bien prises, mon objectif est  encore tenu par des mains novices. Bonne visite à vous…

Il était une fois, le samedi 5 mai 2009, le vol KQ 507 de Kenya Airways s’écrasait à  Mbanga Pongo, non loin de Douala: 114 personnes avaient péri, 5 ans après, il n’y a pas de lycée dans le village…

"Les habitants leur Ces attendent depuis 2011- by Josiane Kouagheu
« Les habitants attendent leur Ces depuis 2011- by Josiane Kouagheu

Et les élèves attendent…

Des enfants attendent-Crédit photo: Josianekouagheu-
Des enfants attendent-Crédit photo: Josianekouagheu-

Djébalé: l’île des pêcheurs, une île oubliée derrière Douala. Et pourtant un site attrayant…

" Pêcheurs en mer Crédit photo: Josiane Kouagheu"
 » Pêcheurs en mer Crédit photo: Josiane Kouagheu »
Les pêcheurs en quête de poisson- by Josianekouagheu-
Les pêcheurs en quête de poisson- by Josianekouagheu-

Les premières maisons de l’île…

"Crédit photo: Josiane Kouagheu et Marie Louise Mamgué"
« Crédit photo: Josiane Kouagheu et Marie Louise Mamgué »

En parcourant le célèbre carrefour Ndokoti, je me suis rendue compte que le général Charles de Gaulle et Roger Milla y avaient passé quelques jours…

Le général De Gaulle a passé quelques jours dans cette maison- by Josiane Kouagheu-
Le général De Gaulle a passé quelques jours dans cette maison- by Josiane Kouagheu-

 Roger Milla aussi…

Ce petit marché était jadis le terrain où Roger Milla jouait- By Josiane Kouagheu-
Ce petit marché était jadis le terrain où Roger Milla jouait- By Josiane Kouagheu-

Venues tout droit du Niger voisin, les femmes nomades Bororos parcourent Douala, à la recherche des femmes à qui elles font des tresses….

-Elles font des tresses pour pouvoir survivre -by Josianekouagheu-
-Elles font des tresses pour pouvoir survivre -by Josianekouagheu-

Et les Maliens aussi vivent au Cameroun, en harmonie avec nous… (assis sur la photo, un patriarche malien)

Des maliens dans une maison à Douala -by Josianekouagheu-
Des maliens dans une maison à Douala -by Josianekouagheu-

Trouver de l’eau est un parcours de combattant. Du coup, on s’abreuve même près des cours d’eau noirâtres…

Douala a soif -"crédit photo: Josianekouagheu"
Douala a soif -« crédit photo: Josianekouagheu »

J’espère que mon Blog-expo vous a plus. C’est juste le début d’une longue série. Douala tout comme le Cameroun a tellement de merveilleux lieux à découvrir et à faire découvrir. De plus, j’étais dans mon village il y a quelque temps, j’ai visité le mont Batcha, l’une des plus hautes montagnes de l’Ouest, attendez…