Wouri : pourquoi ce fleuve tue. Pourquoi il tue tant des Camerounais?
Le drame m’a secouée. Il m’a privée de sommeil pendant deux jours et je ne pouvais ne pas en parler. M’offusquer ? Pleurer ? Non, cette attitude n’aurait pas résolu le problème. Il me fallait écrire, le graver quelque part où j’étais sûre de ne jamais l’oublier. Et j’ai pris ma plume malgré mon âme en pleurs.
J’ai décidé de vous en parler malgré mon cœur meurtri. Deux petits enfants âgés de 12 et 13 ans ont été emportés par les eaux du Wouri, ce fleuve qui traverse Douala, capitale économique du Cameroun. Ce fleuve qui abrite le plus grand port de toute l’Afrique centrale. Cette eau rend Douala, porte d’entrée et de sortie du Cameroun. Deux petits élèves. Leurs corps ont été retrouvés par des pêcheurs, deux jours plus tard (ironique non ?). C’est toujours ainsi. Les pêcheurs sont toujours là ! Qu’aurait-on fait sans eux ? Mais où sont les garde-côtes ? Où sont les pompiers censés être les premiers à réagir à ce genre de situation ? Avant ces deux enfants, il y a eu d’autres enfants, il y a eu des hommes, femmes, jeunes, il y a eu 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10…voitures plongées. Rares, très rares survivants côté passagers et chauffeurs. Toujours des morts, retrouvés toujours après des jours de fouille !
Vous pensez que j’exagère? Vous pensez que je me révolte pour rien? Non ce drame a été le drame de trop. Cette noyade, la noyade de trop. On ne compte plus le nombre de personnes que ce fleuve a emportées. On ne compte plus le nombre de famille éplorée que le wouri a laissé. Pourquoi il tue tant?
Un pont construit en 1955 , aux garde-fous détruits
J’ai eu la malchance chance de traverser le pont du Wouri des centaines de fois. A chaque occasion, j’étais dans une voiture, rarement sur une moto. Et sans vous mentir, jusque là, je savais que ma vie était en danger. J’avais dans la tête comme en ralenti dans un film, l’image d’une catastrophe et des morts. Je pensais à l’âge du pont, construit quand le parc automobile du Cameroun, de Douala, n’était pas encore élevé. C’était en 1955. Mais aujourd’hui, tout a changé. Les voitures ont augmenté. Les experts le réclament à chaque occasion malheureuse (après des morts) : il faut un deuxième pont sur le Wouri. Les réaménagements ne sont plus autorisés. Le président le promet mais quoi ensuite ? C’est l’ère des grandes spéculations réalisations non ?
Pis, le pont sur le Wouri n’a plus de garde-fous. Les multiples accidents les ont détruits. Il suffit donc d’un vent violent pour projeter le passant rêveur au fond de l’eau. Il suffit d’un moment d’inattention et des élèves prudents, qui rentrent tranquillement dans leur maison, après une journée de cours, se retrouvent plongés dans le fleuve. Et l’automobiliste ivre a 97% de chance de se retrouver dans le fond du Wouri et de côtoyer la mort.
Quand voies ferrée et routière cohabitent…le drame n’est jamais loin
Ce n’est pas tout. Aux heures de pointe, les embouteillages monstres du pont donnent des sueurs froides aux policiers. Et des peurs atroces bien sûr ! Vous savez pourquoi ? Entre les aller et venue des voitures, se trouvent les rails du train. En d’autres termes, la voie routière côtoie la voie ferrée. Imaginez que le train arrive à ce moment là ? Je pense que l’état de catastrophe sera décrété au Cameroun. A quand la reconstruction des garde-fous sur le pont ? A quand des garde-côtes au bord du fleuve ? A quand le deuxième pont sur le Wouri ? Les annonces se multiplient mais rien ! A cette allure, avec ces morts qui ternissent l’image du fleuve Wouri, je pense que je serai un jour prophète.
Commentaires