M. le président, j’ai 32 ans et je veux rester au Cameroun !
M. le président, j’ai 32 ans et je veux rester au Cameroun !
J’ai débuté cette lettre par un bonjour, puis un bonsoir. Et après, un joyeux anniversaire pour vos 32 années d’usure de règne en longueur au pouvoir. Et finalement, j’ai décidé de vous l’écrire à ma manière. Sans protocole, un peu comme ce Cameroun que chacun dit aimer à sa manière. Vous aussi. Je l’aime d’ailleurs et je veux y rester.
« Mais je me demande sans cesse : pourquoi suis-je né en novembre 1982 ? Pourquoi maman a-t-elle décidé de me mettre au monde un jour de cette année maudite ? Si j’avais eu des pouvoirs magiques, aurais-je pu modifier ma date de naissance ? Oui, non, oui, non »
Difficile de me décider. Si j’étais né avant 1982, je serais aujourd’hui comme mon grand-frère : un débrouillard diplômé. Si j’avais vu le jour après 1982 je serais aujourd’hui comme ma petite sœur : une perpétuelle diplômée en quête d’emplois et qui accumule des boulots sans lendemain. Et comme je suis né en 1982, je veux vous parler. D’ailleurs, quelle différence d’être né avant ou après 1982 ? Le Cameroun présente la même peur du futur pour tous, même pour mes parents nés à l’ère d’Ahmadou Ahidjo.
M. le président, ça fait 32 ans aujourd’hui que vous dirigez le Cameroun sans partage. Trente-deux années que je suis né et vis dans ce règne. Je vous écris parce que je veux rester au Cameroun. Je vous écris parce qu’après plus d’un quart de siècle au pouvoir, le bout du tunnel que vous avez promis semble être une chanson du « paradis est joli ». D’ailleurs, comment peut-on voir le bout du tunnel dans un pays sans routes? Mr le président, n’allez surtout pas croire que la faute de cette situation revient à quelqu’un d’autre.
32 ans qu’on nous a promis le bout du tunnel… Tiens y’a même pas de routes pour voir le début du tunnel! #32AnsSansMourir
— Nelson Simo (@lesikanel) November 6, 2014
Lorsqu’un navire chavire, c’est le commandant de bord qui est accusé. Lorsqu’il y a crash d’avion, la faute revient au pilote de bord (en chef). Lorsqu’il y a accident de voiture, le chauffeur est l’incriminé. Lorsqu’un pays fait peur, fait fuir sa jeunesse, grouille sur le chômage, la malnutrition, la pauvreté et fait du surplace, c’est le président qui le dirige mal. C’est lui qui est responsable de cette situation. Dans le cas du Cameroun, je vous le jure, la chanson quotidienne que j’entends à force d’écumer les rues est la suivante :
« Paul Biya veut tuer ce pays. C’est à cause de Paul Biya que ça arrive. C’est sa faute»
A dire vrai, M. le président, je ne suis pas souvent d’accord avec certains. Mais, à force de ne rien faire pour que les choses changent, à force de voir sans agir, à force de durer au pouvoir, vous avez tué votre propre peuple. Comment pouvez-vous m’expliquer votre longévité sans parler de vos ministres qui au fil des années font les mêmes erreurs ? Ils n’ont plus peur, même de voler des milliards des pauvres camerounais oubliés dans un pays qui leur appartient pourtant. Je ne veux plus revenir sur les problèmes du Cameroun dont personne n’ignore.
Comme je vous l’ai dit M. le président, je veux rester au pays. J’aime le Cameroun et je veux y rester. Je vous épargnerai les discours de mes amis, cadets, et même des tous petits enfants qui récitent inconsciemment chantent des chansons à votre gloire. Mais en substance, tous se disent : « ce pays est une m****. Je veux partir me chercher ailleurs ». Et c’est de cet ailleurs donc je ne veux pas en entendre parler. Je veux rester au pays. Je veux vivre au Cameroun. Je veux voir grandir mes enfants et petits-enfants au Cameroun. Mais j’ai peur.
Je n’ai aucune garantie. Est-ce d’ailleurs normal pour un pur sang d’un pays d’en demander une ? C’est juste la vie qui m’y pousse. Mr le président, au nom du sang de nos ancêtres, prenez un jour de votre vie sur les 32 années passées au pouvoir, habillez- vous autrement et promenez-vous à Douala, Yaoundé, Garoua, Batouri, Nkongsamba… Vous verrez pourquoi ce pays fait peur. Les rues sont pleines de jeunes au chômage. De conducteurs de moto. Des chargeurs. Des sauveteurs. Des prostituées. Les bureaux sont occupés par des vieux (comme vous). Des ministres qui ne savent pas taper du poing sur la table quand des Camerounais meurent à cause des accidents causés par des voitures sans freins. Quand des malades meurent à cause des médecins inconscients. J’en passe. Vous verrez alors pourquoi on veut partir au prix de notre vie parfois.
Après 32 ans au pouvoir, je pense qu’il est temps de penser à demain. A une sortie digne d’un Nelson Mandela, pas à la Compaoré en tout cas. Même si 32 années stériles sans rien déjà sont un véritable problème, un cauchemar qui vous poursuivra probablement jusqu’à la fin de votre vie. Monsieur le président, ayez un sursaut d’amour. Changez quand il est encore temps. Car comme les jeunes le disent, #32anssansmourir, c’est le fourneau.
APRES 32 ANS LE RÉGIME DE BIYA N’A VRAIMENT PLUS RIEN À APPORTER AU CAMEROUN par Evarist Mohbeu #32AnsSansMourir #CMR https://t.co/843x6GXW1t
— Douala Deals (@DoualaDeals) 6 novembre 2014
D’ailleurs, les discours déguisés d’amour de vos pseudo admirateurs qui, habillés à votre effigie, parcourent le pays pour vanter vos qualités auxquelles eux-mêmes n’y croient pas sont un exemple. Leurs enfants ont quitté le Cameroun depuis leur plus jeune âge. Ils sont des citoyens d’ailleurs, avec des nationalités d’ailleurs. Et moi en tant que jeune, débrouillard qui aime se chercher et déteste la paresse, je veux rester au Cameroun !
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