Soumis au régime sec, Douala broie du noir: il y a des morts
A Douala, la vie est devenue un combat si particulier que ses habitants ont l’impression de se trouver sur un terrain sans adversaire visible. Que peut-on faire lorsque l’on est assoiffé? On peut s’en sortir avec la faim. Mais avec la soif, que peut-on? L’eau est pourtant une richesse naturelle! J’ai lu avec une attention particulière une lettre adressée au directeur de la camerounaise des eaux par Florian Ngimbis pour l’interpeller sur la situation de son quartier (situé à Yaoundé) assoiffé depuis deux ans. Comme Florian, je me sens aujourd’hui obligée de me plaindre.
La ville de Douala n’est plus seulement assoiffée par endroit, elle est entièrement soumise à un régime sec. Aucun quartier ne se sent épargné: résidentiel, populaire, ghetto? Le drame est le même. Peut-être ces voix réunies pourront changer la donne ? On me rit au nez ! (je vois de loin des sourires moqueurs): Pendant ce temps, le directeur de la Camerounaise des eaux (Cde), nommé il y a tout juste un an, est en train de construire une cité des cadres à Yaoundé à hauteur de deux milliards de F.Cfa. Rien que le terrain a coûté 200 000 millions de F.Cfa. De qui se moque-t-on? Du peuple assoiffé, alors de qui?
« A force de vivre sans eau, j’ai cru que la ville de Douala était située dans une zone désertique. Ce n’est pas vrai? »
Plusieurs personnes m’ont posé cette question. Et honnêtement, je n’ai pas su que répondre. Douala, ville désertique? J’ai eu envie d’éclater de rire! (mais non je blague). Voilà la résignation des milliers d’habitants. Leur combat quotidien pour trouver la meilleure boisson au monde semble perdu d’avance. J’ai suivi quelques uns dans leur quête, pas si loin de la mienne. Certains n’attendent pas le cri du coq pour aller à la recherche du précieux liquide. Hommes, femmes et enfants se lèvent dès 3 heures du matin. Ils refont le même trajet à la tombée de la nuit. Direction, le point d’eau le plus proche. Forage, puits, marigot? Qu’importe, on sait juste que l’on n’aura pas de l’eau de la Camerounaise des eaux (Cde), pourtant la société « légitime ». Mais, une autre eau, celle qui étanchera la soif. Et les maladies? Ces habitants s’en foutent. En fait, on s’en fou! Choléra, paludisme, diarrhée? Ils me disent qu’ils sont habitués. « La saleté ne tue pas le pauvre », m’informent-ils.
« Quelque soit la couleur, on veut juste ce qu’on va boire. On s’en fou du reste », me rétorquent-ils lorsque j’essaie de leur poser une question sur l’aspect du liquide.
Ajoutée à cette soif, l’obscurité vient tordre le coup à la vie à Douala
Comme si la Cde et l’Aes Sonel (société productrice d’électricité) s’étaient entendues, rien ne marche plus. Les coupures intempestives du courant ont rendues la vie difficile à plus d’un. moi y compris. Du coup, apprendre ses leçons, conserver un aliment dans son réfrigérateur, regarder un bon feuilleton télévisé ou alors, suivre des informations du monde, devient impossible. C’est comme si Douala était plongé au moyen âge, pis, à l’antiquité. Les habitants s’éclairent à l’aide des bougies, lampes tempêtes, non sans danger. Leur mauvaise utilisation et même le retour brusque de l’électricité provoque alors des incendies. Les dégâts sont alors importants.
« J’ai perdu tous mes effets, mes diplômes, mes habits et tout dans l’incendie », lance habituellement un enseignant mieux, un élève malheureux.
Quatre enfants décèdent en une seule nuit dans les flammes
Les sapeurs pompiers sont devenus presque impuissants. Et des morts ne tardent pas à suivre. Des incendies ravagent des familles entières. Au quartier Makepe à Douala (quartier résidentiel), le drame n’est pas encore effacé de la mémoire des habitants, plus particulièrement dans la famille de Williams Nya Tchami. Elle a perdu ses quatre enfants, âgés respectivement de 2 ans, 7 ans, 9 et 12 ans, Auriol, Kandisse, Flore et Laurel Nya ont été calcinés dans leur chambre, éclairée par une bougie. Il n’y avait pas de lumière cette nuit-là, une nuit éclairée de février 2013. Des drames pareils, Douala en compte. Face à ces mauvais incidents, des familles ont pris une résolution: plus de bougie, plus de lampes lors de coupures d’électricité. Ils préfèrent vivre dans l’obscurité, même si les enfants n’étudieront plus et moi je ne suivrai plus mes infos. Le noir ajouté à la soif nous garantit une sécurité? La population en a marre, les politiques s’en mêlent, l’avenir est incertain
Quelle tristesse…
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