Petites vendeuses : proies des affamés sexuels ?
J’observais la scène. J’étais assise dans la salle d’attente d’une agence de voyages à Douala. Je veux parler de ce qui tient lieu de salle de repos aux voyageurs qui viennent et partent. Et comme toujours durant ces instants de répit, des commerçants essayaient de vendre leurs articles, persuadés que ces voyageurs avaient un peu d’argent à dépenser. Ils faisaient des démonstrations terribles pour convaincre les acheteurs les plus «tang» (ceux qui n’aiment pas trop faire les dépenses). Un autre s’était même rapproché de moi pour me vanter les bienfaits d’un anonyme produit contre les douleurs de tout genre. Un autre présentait à l’auditoire concentré un médicament dénommé «mille maladies». Certaines femmes, discutaient de la fête du 8 mars (plus du côté festif qu’autre chose), tout en gardant une oreille attentive au film direct qui se déroulait devant elles. Je n’en dis pas plus. C’était un peu comme une jungle de marchands, chacun voulant vendre plus bien sûr. J’observais ce remue-ménage, avec un plaisir non déguisé, lorsqu’une scène attira mon regard. Je sursautai presque (je ne sais toujours pas pourquoi).
Sauvée des griffes d’un affamé sexuel
Une fillette, une «petite vendeuse » comme on dit chez nous, âgée d’une dizaine d’années, présentait des graines de cacahuètes grillées, attachées par boule de 25 F.Cfa l’unité et rangées sur un large plateau de cuisine de couleur blanche, à un homme, assis à quelques pas de moi, et tout seul dans son coin (bizarre non ?). Le monsieur, habillé en smoking noir (malgré la forte chaleur), le tout complété par une chemise vert-citron et une cravate rouge vif et chaussé d’une paire à l’italien, affichait un air de pur prédateur (excusez mon terme). Il semblait plus concentré sur ce qu’était la fillette, que par ce que constituait sa marchandise. Son ton me paraissait intrigant. Il murmurait presque. « Pourquoi ? », en prêtant une oreille attentive à ce qu’il disait, j’eus la réponse. «Tu vis où ? », «tu connais.. ». Je n’entendais pas les réponses de la fillette. Mais, le mouvement de ses lèvres me prouvait qu’elle disait quelque chose en retour. J’étais convaincue d’une chose : elle était comme hypnotisée par le monsieur en smoking. Quelques instants plus tard, le monsieur se courba et prit une mallette noire qui se trouvait à ses pieds. Il l’ouvrit et en sortit deux paquets de biscuits qu’il offrit à la fillette. Hésitante, elle finit par les prendre. Je me demandais alors où voulait en venir le monsieur. Il n’avait pourtant pas acheté la marchandise de la « petite vendeuse ». Il se leva alors et la petite se mit à marcher à sa suite.
Sans crier gare, une femme, assise juste derrière moi et qui visiblement suivait la même scène que moi, cria presque: «arachides, arachides, vient petite je veux 4 paquets ». La petite se retourna, le monsieur aussi. Après quelques minutes d’hésitation, elle se dirigea vers la femme. Le monsieur continua sa route d’un pas alerte. Je fus vraiment étonnée par la tournure que prenait la scène, car, la femme qui avait happé la petite ne voulait pas non plus les arachides. J’eus alors cette question qui sortit de moi comme une fusée : « Où t’amenait le monsieur, petite ? ». « Chez lui. Chez lui grand-sœur. Il voulait acheter toute ma marchandise », me répondit-t-elle, l’air vraiment convaincu et innocent à la fois. Et la femme, qui à bien observer, avec son foulard noué à la hâte et laissant débordé quelques chevelures blanches, avait l’air maternelle, répliqua : « Si tu le suivais, il allait te couper la tête. Que ce soit la dernière fois. Ta maman t’a envoyée ici pour vendre, et non pour suivre les clients. Dès que tu vends ici, tu rentres chez toi. Est-ce que tu as bien compris ?». La fillette, visiblement secouée par tout le sort qu’elle aurait dû subir, hocha la tête. Elle s’en alla vers un « vrai » client qui l’appelait, d’un pas traînant. La petite vendeuse venait ainsi d’être sauvée d’une fin tragique.
Des proies moins chanceuses
Mais, dans le regard de la « sauveuse », je lisais une sorte de peine. Elle m’avoua dans un soupir, comme pour ne pas alerter les autres voyageurs qui devenaient trop curieux. «Ma nièce a été violée par un homme qui se comportait ainsi. Elle vendait les oranges, elle n’avait que 8 ans », m’a-t-elle dit le regard brillant. Et à côté, comme si toutes les oreilles s’étaient dressées pour cette nouvelle, j’ai entendu des histoires. «Durant les vacances, deux petites filles ont été violées par un homme dans mon quartier. Elles vendaient des arachides préparées », explique un voyageur. Un autre m’a raconté comment son meilleur ami, en 2008, à Nkongsamba (région du Littoral du Cameroun), avait échappé de la prison pour avoir violée une petite vendeuse de plantains braisés. Du coup, c’est devenu la conversation à la Une dans le bus. Et un autre, son frère, et l’autre son ami…Durant près de 4 heures de voyage, j’ai recensé plus de 15 cas. Tous, des petites vendeuses violées par des affamés sexuels.
Je me suis donc dit que ces affamés sexuels méritaient la justice populaire, chez nous, on brûle les bandits vifs…Mais bon, je délire, ils méritent une condamnation à mort ? C’est fou comme l’innocence d’un enfant n’a pas de prix. Moi je sais de quoi je parle. Elles ne dévoilent pas leur poitrine, elles ne savent d’ailleurs pas comment faire un numéro de charme. Elles ont juste leur innocence dévastatrice. Désolé si vous -affamés sexuels- vous y prêtez très attention. L’innocence a besoin de grandir, de se développer sans l’intervention d’une main étrangère, encore moins de la vôtre…
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