Après la fête, l’éternel vide à l’horizon

11 mars 2013

Après la fête, l’éternel vide à l’horizon

Je me disais que cette année allait être la bonne. Qu’enfin, le 8 mars allait être ce qu’il avait été à l’origine (une révolte des ouvrières du textile en 1857), une fête de réflexion, une tribune de revendications, un jour où les femmes allaient poser les premières pierres de leur implication dans tous les secteurs de  la vie professionnelle. J’ai été une fois de plus déçue. Il faut croire que je suis une éternelle rêveuse. Des femmes ont soulevé le kaba (robe ample vedette du jour), elles ont fait la fête jusqu’au petit matin, délaissant enfants et maris aux oubliettes comme si ce jour, elles avaient le droit de se comporter ainsi. Et durant tout un weekend, elles ont dansé comme si leur vie en dépendait. J’ai vu des femmes afficher au vu et au su de tout le monde ce jour-là leur infidélité. J’ai vu certaines, boire jusqu’à l’excès et oublier où elles se trouvaient.

La fête de l’infidélité

J’ai eu la chance, non, la malchance plutôt, de me retrouver ce jour où il ne fallait pas. Enfin je pense. Pourtant il y avait une forte pluie ce 8 mars 2013 à Douala. Et en plein carrefour, j’ai vu ma  «parfaite voisine », une secrétaire de direction d’une grande entreprise d’assurance, une femme respectée, quelque part au fond de moi un modèle. Elle était battue par son mari. Elle voulait outrepasser son interdiction et aller «faire la fête» avec ses copines. Il l’avait pourtant acheté le pagne qu’elle désirait tant. Que voulait-elle ? Faire la fête, rien que la fête. A croire que sans ces rapides moments de réjouissance, elle allait perdre la vie. Une autre a été battue dans un bar pas très loin de chez moi. Malchanceuse, elle est sortie faire la fête avec son voisin, oubliant son téléphone portable. Son mari qui croyait sa femme au bar avec ses copines, a été très déçu. Dans sa messagerie, il a trouvé des messages amoureux adressés par son voisin à sa femme.  Et c’est un 8 mars qu’il a découvert que sa femme sortait avec son voisin ! Il l’a battue mais, j’ai bien vu qu’il se demandait déjà ce qu’il allait faire de ses quatre enfants. Il se posait d’ailleurs des questions : sont-ils mes vrais enfants ? M’a-t-elle vraiment aimé ? Un 8 mars. Dans mon quartier, plusieurs petites filles étaient vêtues de l’uniforme du 8 mars. Et demain on dira que les femmes aiment la fête, qu’elles refusent le lit à leur mari pour le pagne. Mais si ces petites savent déjà que c’est le pagne qui compte, elles n’ont vraiment plus d’ambition. « A quoi bon, j’ai déjà mon pagne. Ça suffit, hein ma copine ? »

Il faut avouer que la femme camerounaise aime la fête. Des cas pareils, demandez à un(e) ami(e) si vous en avez à Douala, Yaoundé et partout ailleurs au Cameroun. Et vous verrez que ma désolation est si immense que je n’ose même pas tout vous détailler. Malgré les discours, malgré des exemples des grandes femmes qui s’imposent, il y a comme une volonté de ne faire que la fête chez moi. Les femmes sont sous-représentées dans plusieurs activités de la vie. Si seulement, elles posaient le 8 mars le début d’une sensibilisation des jeunes filles, des revendications. Mais, je ne vois rien à l’horizon. Il est si vide…

Il a fallu 60 ans pour voir une femme préfet au Cameroun…

Sur 180 députés à l’Assemblée nationale, on compte 25 femmes. Sur 360 maires, seuls 24 sont des femmes. Sur 10 632 conseillers municipaux, on compte 1651 femmes (même pas le quart). Le Cameroun n’a pas de gouverneur femme. Sur 48 préfets, on compte seulement une femme. Il a d’ailleurs fallu plus de cinq décennies pour voir une femme devenir préfet, une première.  Dans une équipe de 60 secrétaires d’Etat, on n’en compte que 2 femmes. Le gouvernement n’a que cinq ministres femmes. Voilà pourquoi je pense qu’à force de revendication, les femmes pouvaient faire quelque chose. Elles ne sont pourtant pas moins formées que les hommes. Au contraire, elles sont issues des meilleures écoles du Cameroun et du monde. Mais après la fête du 8 mars, même celles qui ont revendiqué, mettent tout de côté pour attendre l’autre 8 mars. Et l’éternel vide à l’horizon domine…

Lisez ce tableau (2007-2012) et là…

Postes Nombre total Femmes Pourcentages (%)
Maires 360 24 6,7
1er adjoint 360 57 15,8
2ème adjoint 360 84 23,3
3ème adjoint 98 16 16,3
4ème adjoint 97 12 12,4
Conseillers municipaux 10 632 1651 15,5

 

Source : INS, TBS 3, 2010 ; CT N°9844/6045 du 11/05/2011

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Commentaires

etiennebilly
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Oh la la, il faut continuer, le combat et ne pas s'arrêter au 08 mars. La femme mérite bien plus. Et jeune fille Camerounaise tu as le pouvoir de changer ses choses. Tu as en toi le courage et la force pour faire bouger les choses. Plusieurs situations t'ont amené à baisser les bras, mais qu'à partir de cette année change de vision.

josianekouagheu
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Comme tu le dis Etienne, j'espère changer ces choses par mes écrits et pourquoi pas, à travers le réseau mondoblog...

Danielle
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En fait au cours de la semaine du 08 mars il y a des débats organisés par des femmes que ce soit dans les associations ou en entreprise. Ce qui est décevant c'est qu'il n'y a pas de suite. Elles posent des problèmes, trouvent des solutions mais sa ne suit pas.
Dire que les thèmes retenus pour ces occasions ne disent rien à ces femmes pour qui ce jour là c'est la fête, vêtu du pagne du 8 mars.

josianekouagheu
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Malheureusement Dany, il n'y a pas de suite... C'est ça le vrai problème. Il faut que les choses changent, que le 8 mars ait une suite...Pas seulement une histoire de pagne..

nathyk
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Si seulement... mais on ne va pas se fatiguer d’interpeler, un jour les concernées se réveilleront et prendront leur destin en main !