Stop, arrêtez tout, Paul Biya arrive !
A l’heure actuelle, j’ai l’impression d’être une inconnue dans mon pays. J’ai l’impression d’être « l’autre », celle qui vient d’ailleurs, d’une autre ville que Douala, d’un autre pays que le Cameroun. Vous savez, ce n’est pas difficile de connaître la cause. Il s’agit même d’un jeu d’enfant. Paul Biya vient à Douala. Quoi ? Je répète : Paul Biya, notre président de la République, vient à Douala !

-Et alors, me répondra sûrement un étranger, quelqu’un qui n’a que faire de cette visite. C’est normal qu’un président visite ses villes non ?
Si je vous disais qu’on compte ses visites, en 31 ans au pouvoir, dans la ville où je suis née?Quand Paul Biya vient à Douala, c’est tout le problème. C’est plus qu’un problème, c’est un scandale. Pourquoi ?
Hier, 19 heures 30 :
Je suis dans un cargo. Tout le monde bavarde. Paul Biya est mauvais. Samuel Eto’o doit marquer le 17. Mon voisin qui raconte ses petits déboires. Les petits malfrats du quartier qui volent ses porcs. Sans sa vigilance, ils lui auraient bien dérobé toute sa seule richesse. Tout ça, c’est la faute de Paul Biya qui refuse de changer son régime. Ennuyée et épuisée, je pose ma t ête sur le dossier plein de fer de mon siège. L’embouteillage aidant, j’ai même somnolé. Et soudain, silence ! Ça c’est pas l’habitude d’un cargo. Je sursaute et lève la tête. Que vois-je ? Un, deux, trois, quatre… camions remplis de militaires. Ils défilent à tour de rôle à toute vitesse.
-Celaa sent l’arrivée de Paul Biya, lance un passager pour rompre le silence.
67 minutes plus tard (sur une route où je mets habituellement 20 minutes maximum), je suis arrivée.
Aujourd’hui :
7 heures 15 minutes :
Il y a des policiers. Dieu qu’ils sont nombreux en route. Et aussi des gendarmes et même des militaires. Ils sont placés non loin du grand carrefour d’à côté. Je dois sortir. Je dépense deux fois le prix de transport habituel à cause des embouteillages. J’emprunte deux taxis.
-Ma fille, il faut rentrer aujourd’hui au plus tard à 18 heures hein ? me supplie presque mon 1er chauffeur.
-Pourquoi papa ?
-Mais ma fille, hier, près de 25 gendarmes sont arrivés dans mon quartier. Ils contrôlaient tout le monde. Ils ont surement arrêté des gens, dit-il d’un ton de confidence. Ils sont nombreux dehors !
Comme si cela ne suffisait pas, il me raconte ses déboires. A Bonanjo, centre administratif de Douala, des rues ont été fermées. Il ne peut plus gaspiller son carburant. Il doit garer son véhicule. Mais, il ne sait avec quoi il va nourrir sa famille. Paul Biya vient, et c’est tout !
12 heures 30 :
Je suis non loin du pont sur le Wouri. La route a été barrée, non loin de la tribune qui doit accueillir notre roi lion. Il y a des forces de l’ordre. Des élèves, papa, maman, pépé, mami, marchent à pied. Hypertendus, diabétiques… Paul Biya arrive. Stop , on marche à pied !
14 heures :
Je rencontre des étudiants dans des services administratifs. Il faut toujours faire des concours, on ne sait jamais. Le problème ? Ils sont venus signer des documents. Ceux qui devaient le faire ne sont pas là. Où sont-ils ? Mais, faire des préparatifs. « Tu ne sais pas que Paul Biya vient ? », te réponds une secrétaire, parfumée, vernie, qui n’attend plus que son heure pour rentrer. La jeunesse, c’est l’avenir. Mais, peut-être que ce concours était leur chance. Si non, demain, ils seront irrécupérables. Mais, rien n’y fait : Paul Biya vient, on arrête tout !
17 heures :
Au téléphone. C’est mon cousin qui croit toujours que je connais des choses que personne ne connait: « S’il te plaît Josie, est ce que demain est un jour férié ? ». Etonnée, je demande pourquoi : « Mais, mon prof m’a dit qu’il ne venait pas demain parce que Paul Biya vient », me répond-t-il presque énervé. Je dis non et il raccroche en disant que pour une fois, je ne connais vraiment pas tout.
18 heures 13 minutes :
Un ami est prêt. Il rentre chez lui. J’ouvre des yeux étonnés. Il rentre toujours le dernier, afin, presque. « J’habite à Bonaberi. On nous a dit qu’on allait fermer la route d’un moment à l’autre. Dès minuit et jusqu’à 14 heures demain, personne ne passera. Demain, je ne serai pas là ». Merde ! J’ai juré. Tout ça à cause d’une visite présidentielle ? Oui, Paul Biya arrive. C’est ça, on arrête tout ! …
Chers lecteurs, voilà mes raisons. Paul Biya vient. Le roi lion arrive. Il y a des policiers dans la ville. Des militaires, la garde présidentielle même. Toute la ville prépare cette venue. Tout est paralysé. Et tout ça, pour la pose des 1ères pierres du 2ème pont sur le Wouri et de la centrale à gaz. Stop, arrêtez tout, Paul Biya arrive !
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