La kalachnikov se démocratise au Cameroun
Je suis Camerounais, j’ai une kalachnikov. Ça fait peur hein? Ne pensez pas chers lecteurs, que je crée là un débat. Au contraire, je vous dresse juste un constat. C’est quoi en fait une kalachnikov ? C’est une machine à tuer. Au quartier, les enfants disent que c’est un fusil, une arme qui fait des morts. Normal, au champ de guerre, un AK 45 se constate. Ça prend des munitions en plus. Hum! Lorsque les «grands» hommes de mon pays ont tenté de camoufler leur peur à l’annonce de la nouvelle, j’ai bien rigolé. 50 000 F.Cfa la kalachnikov à l’Est du Cameroun. Pas à une vente aux enchères. Tu négocies, paies cash et tu l’obtiens. Le fond mondial pour la nature (Wwf) a fait une enquête au Cameroun.

Sur qui tirer?
50 000 F.Cfa pour une arme de guerre? Possible et réel! Mais, le vrai «homme» du peuple aurait eu peur de cette crise en République centrafricaine (Rca) qui entraîne cette prolifération des kalachnikovs côté Camerounais. Il aurait eu comme moi, une grosse frayeur pour ces centaines d’éléphants abattus avec ces armes. «Mais, mes petits enfants ne pourront plus voir ces animaux. C’est une espèce en voie de disparition. Il faut que je trouve des solutions avec mes rivaux amis du gouvernement», se serait-il dit. Que non ! Ce n’était pas là l’objet des grosses frayeurs.
«Si une kalachnikov coûte 50 000 F.Cfa, cela veut dire que ma bonne, mon chauffeur, mes employés, que je paie au quart de la moyenne (je m’enrichis pourtant), pourront se la procurer». Même avec un an d’économie, ce rêve peut être possible. Sans être prophète, ni une diseuse de bonnes nouvelles, je crois que cette pensée a effleuré plus d’un. Et vous imaginez ce qu’un Homme rendu amer par les dures réalités de la vie Camerounaise, peut faire avec une kalachnikov à la main. Foutaises ! Ce que vous ignorez chers lecteurs, c’est que, la kalachnikov est un bien commun à presque tous les Camerounais, et ce, depuis des années. C’est le seul bien qui leur est gratuitement accessible d’ailleurs.
Imaginez un homme, un père, qui tient son fils, à l’agonie entre ses bras dans un centre hospitalier. L’enfant est à l’article de la mort, mais, le médecin est formel : «Heu monsieur sans argent, nous ne pouvons pas appliquer les premiers soins à votre enfant ». Le pauvre papa n’a pas encore eu son 6ème mois de salaire pourtant. Que fera-t-il alors ? Entre temps, l’enfant est mort entre ses bras, son unique enfant d’ailleurs! Il a 65 ans. Il ne peut plus se refaire une autre vie. A cet instant précis, il tient une kalachnikov entre les bras. Une arme qui peut tuer aussi bien le médecin que l’hypocrite employeur, je vous le dis.
Chaque jour, chaque Camerounais tient sa kalachnikov prêt à la main
Imaginez un jeune, l’espoir de toute une famille. Il s’est sacrifié durant des années d’université. Il était étudiant, répétiteur, mototaximan, gérant de call-box…Que de petits boulots accumulés ! Il a obtenu tous ses diplômes universitaires. Et il s’attendait à un emploi décent. Bref, à une bonne situation. Et qu’obtient-t-il à la fin? Une désillusion totale. Un rêve qui vole en éclats. Et il doit faire face au regard déçu de maman, à la fierté blessée de papa. Et ces petits frères et sœurs qui ne vont plus à l’école? Et que fera-t-il lorsqu’il verra au grand-carrefour, alors qu’il est venu boire une bière avec des copains, sa petite sœur chérie, devenue secrètement prostituée? Et à la télé, il identifie dans le gang des malfrats arrêtés avec des kalachnikovs, son petit frère adoré. Maman et papa peuvent mourir d’une crise cardiaque. A cet instant, l’étudiant sérieux d’hier, tient sa kalachnikov à la main.
Imaginez des milliers d’histoires similaires, preuves d’une société torturée dans sa peau et en manque de repères. Je n’excuse pas la paresse de certains, encore moins la prolifération des kalachnikovs. Il faut lutter contre cette propagation d’armes. Mais, j’ai suivi avec horreur l’avis de certaines personnalités sur la question. Elles auraient mieux fait de se taire. Car, si je vous conte mon histoire, si le voisin vous parle de lui, si vos employés, vos concitoyens… vous plongent dans leur intimité, vous verrez qu’ils tiennent chacun, une kalachnikov à la main. Ce n’est pas seulement à l’Est du pays. C’est une question de vie au Cameroun.
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