Cameroun : le peuple, une fourmi dans le pré politique
«Tous pourris ». Pour reprendre Marine Le Pen, pour une fois que j’étais d’accord avec elle, trois mots que j’ai eu à la bouche hier. Vous savez, à l’heure où les batailles pour les élections municipales et législatives du 30 septembre 2013 plantent leur décor au Cameroun, tous les coups sont permis. Les Camerounais ont d’ailleurs assisté à leur vraie comédie électorale. Des bagarres entre ministres, hommes d’affaires, maires et députés. Chacun voulant voir sa femme, son fils, sa fille, son beau-frère, sa belle-sœur, sa «petite »…maire ou député. Le parti au pouvoir nous a servi le plus «laid» spectacle dans ce sens. Et l’opposition ne s’est pas mal débrouillée non plus. J’en ai évidemment eu plein la vue et les oreilles. Mais, je me demandais toujours qui voter. Qui voter? Hier, j’ai su qu’ils étaient tous pires que «pourris». Abimés, détériorés, gâtés… ? Rien n’est plus juste pour décrire ma déception.

J’étais assise à deux pas d’eux. Ils étaient trois hommes. Je les avais déjà vus à la télé. Mais, eux apparemment ne le savaient pas. Des célèbres hommes politiques de l’opposition Camerounaise. Des «hommes» en qui le peuple avait confiance, moi y compris. Pourquoi ? Ils étaient un peu «vierges» non ? Ils n’avaient pas encore assumé de poste de responsabilité connu. 30 ans qu’ils recherchent le pouvoir. On pouvait donc se fier à eux. Ne dénonçaient-ils pas tout le temps les tripatouillages de l’Etat ? C’est donc avec un bonheur non dissimulé que je me suis discrètement placée non loin d’eux. Leur conversation semblait animée. Chance pour moi. Des voix contenues de colère :
-C’est une mafia. Tu comprends camarade ? Je n’ai pas compris pourquoi j’ai été écarté de cette liste. La veille il (j’ai préféré taire le vrai nom. Chers lecteurs, vous aurez eu la chair de poule) m’a appelé pour me dire que ma candidature avait été validée. Curieusement, le lendemain, mon nom avait disparu. (1ère voix)
-Et moi donc, j’étais sûr d’être la tête de liste de ma circonscription électorale. Oh Dieu, c’est à la télé que j’ai constaté que j’avais été écarté comme un vulgaire imbécile. (2ème voix)
-Je comprends pourquoi il t’a appelé la veille camarade. Une manière pour lui de te dire que si par mégarde, ton nom ne figurait nulle part, il n’était pas l’homme à incriminer (3ème voix)
-Il a placé sa «personne » à ma place. Malheureux à eux. Moi je n’ai même jamais voulu faire de la politique. Ça me sert à quoi depuis 17 ans ? A rien ! (2ème voix)
-Où va le parti ? Est-ce que tu sais que… a marchandé son entrée dans la liste à…F.Cfa ? (1ère voix)
-Qu’ils continuent à tuer le parti ! (2ème voix)
-Je n’ai pas compris pourquoi certaines personnes se sont retrouvées dans la liste. Et comment d’autres ont disparu. Une mafia organisée ! Ils ont payé combien ? (3ème voix)
-Est-ce que tu sais que…a bagarré avec…C’était terrible (rires). J’ai même cru que la salle allait exploser. (2ème voix)
-…
-…
-…
Comme j’ai quémandé en silence dans mon cœur, l’entrée d’un nom dans leur conversation. «Peuple»! Comprendre ce qu’ils projetaient pour nous s’ils avaient été candidats. Mais rien ! Pendant plus de 40 minutes. Ils déversaient leur colère, leur peine sans penser à moi, à vous Camerounais lambda. Le peuple est pourtant le principal fabricant de leur défaite ou de leur victoire. Mais, rien ! Nous étions l’oublié, la fourmi dans leur pré politique !
J’ai compris pourquoi les promesses de campagnes ne sont jamais tenues. Pourquoi dans mon village, le candidat élu, réélu…depuis plus de 10 ans, ne nous a jamais offert de bornes fontaines. Les routes sont toujours enclavées. L’agriculture se fait toujours sans Caterpillar, pesticides, tracteurs…promis. Pas d’hôpitaux. Pas d’écoles. Il faut toujours faire des kilomètres pour se soigner ou pour aller à l’école. Le choléra sévit toujours dans le quartier. «Je suis à Douala hein ? ». Sans eau, ni électricité ? Il faut avouer qu’au Cameroun, on a une autre notion de la ville.
Dans moins de 60 jours, il y aura à boire et à manger au pays. Les candidats vont distribuer de l’argent, du pain, du riz, du savon, de la boisson, des t-shirts, des pagnes…pour être élus maire ou député. Ironique non ? En tout cas, ils vont nous nourrir de promesses à n’en point finir. Ils vont nous faire miroiter un paradis impossible. Et toi, comme toujours, tu te diras. «Euh, peut-être qu’il peut changer les choses. Ma fille peut travailler, mon fils peut enfin cesser de voler et devenir un grand quelqu’un ». Que non! Tu n’es pas dans leur rêve politique. Au Cameroun, apparemment il n’y a que le pouvoir qui compte et rien d’autre. Qu’on soit du gouvernement ou de l’opposition.
J’irai peut-être demain retirer ma carte d’électeur. Je me suis inscrite sur les listes biométriques. Mais, j’ai perdu le goût du vote. Je sais que je ne suis pas incluse dans les programmes des candidats. Mais, qui voter le 30 septembre prochain? Je suis une fourmi dans le pré politique Camerounais. Comme je vous déteste ! «Je suis décidément trop crédule pour être camerounaise. Trop même».
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