Au secours, je suis une potentielle condamnée à mort au Cameroun!
Dans la vie, on choisit ses combats, on emprunte son chemin et on trace sa voie. J’ai lu « Le dernier jour d’un condamné » de Victor Hugo. Je l’ai lu à une époque de ma vie où je ne mesurais pas encore réellement la brutalité du monde. Il y a deux mois, on m’a offert « Geôles d’Afrique ». Un livre qui m’a ouvert l’esprit. Fruit de deux années de dur labeur d’enquêtes et de reportages réalisés par des journalistes Camerounais, ce livre m’a plongé dans l’univers des prisons. Ce livre m’a montré les limites de notre justice, mais surtout m’a prouvé une chose: il suffit d’un rien pour faire de la prison au Cameroun. C’est comme si on était accroché à un mince fil. Que tu le lâches ou pas, tu peux tomber, basculer dans l’autre monde.

En feuilletant ce livre, j’ai découvert au fil des pages le monde carcéral. Quand on prend son bateau pour affronter les eaux dangereuses des mers et des océans; dans la quête de l’eldorado, on peut vouloir une justice à la camerounaise. Je vous l’assure! Au fond de moi, j’ai lancé cet appel: au secours je suis une potentielle condamnée à mort au Cameroun.
Stop, c’est un cri lambda au pays des lions indomptables. Imaginez vous dans une salle de classe de 77 élèves. Vous vous trouvez dans un espèce d’internat. Les autres ont le droit de sortir, pas vous. Que faites-vous ? Vous ne voyez jamais la lumière du soleil. Vous êtes confinés. Vous voyez les mêmes murs, vous vivez la même galère pendant des années dans l’attente du maître qui vous délivrera. Je ne parle pas ici d’une délivrance normale. Vous allez mourir fusillé. Mais ça dure depuis 1996 pour certains.
Et oui, il y a près de 77 condamnés à mort dans les prisons du Cameroun. Depuis plus de 10 ans ils attendent l’exécution. Certains ont été condamnés sans savoir qu’ils pouvaient faire appel. Ils ont laissé passer ce temps dans l’ignorance. Leur destin aurait pu changer. Une étoile filante aurait pu être la leur. Ils auraient pu voir à nouveau la couleur du soleil, respirer l’air du dehors. Mais non ! Le destin Camerounais a frappé. D’autres ne savent même pas qu’ils peuvent écrire au président de la République pour solliciter sa grâce. Et ils sont alors obligés, du fond de leur cellule, de prier Dieu, le seul ami qui leur reste, après l’abandon des amis et parents, pour que le jour de la fusillade arrive vite. Ils sont fatigués de contempler leurs dernières lueurs du soleil qui apparaissent à la manière des gouttes d’eau, avant le dernier jour, comme dans « Le dernier jour d’un condamné ».
Moi je suis pour l’abolition de la peine de mort. Pas parce que je ne supporte les crimes. Non, tout simplement parce que j’estime qu’il y a plusieurs manières de punir un crime. Je vois d’ici les personnes qui diront sûrement: « celle-la n’a pas encore vu ce qu’un criminel est capable de faire ». Détrompez-vous! Ils ont dépouillé, tué des personnes qui m’étaient très proches et très chères. Je les pleure encore dans mon cœur. Je ne les oublierai probablement jamais. Mais, je ne suis pas pour autant partisane de la peine de mort. Il faut aussi compter avec ces innocents qui sont en prison. Avec cette justice qui n’est pas toujours parfaite dans mon pays.
J’ai longtemps réfléchi avant de prendre ma plume. J’ai hésité devant ce combat. Chers lecteurs, il y a la peine de perpétuité au Cameroun. Je parle de la peine à vie. Les autorités se justifient en disant que les études ont démontré que la peine de mort a baissé le taux de criminalité. Je me suis rapprochée de Me Nestor Ntoko, président de l’association « Droits et paix » et qui œuvre pour l’abolition de la peine de mort depuis des années et il m’a dit ceci : « aucune étude ne l’a démontré ».
Je n’ai pas pris cette décision au hasard. Encore moins à la hâte. Dans « Geôles d’Afrique », un prisonnier passe plus de 30 jours en garde à vue alors que le délai maximal est de 48 heures au Cameroun, renouvelable une seule fois uniquement sur une note du procureur de la République. Après trois années de prison, des prisonniers sont libérés, sans preuves de culpabilité. Des hommes et femmes sont jetés en prison, assassinés, parce qu’ils ont osé tenir tête aux forces de l’ordre. Ils sont en prison.
Ils savent qu’ils sont innocents. Mais, que faire ? Certains d’entre eux ont au moins la chance qu’ils entendront à nouveau le bruit des bavardages des hommes et femmes du cargo, de la radio du voisin, après N années. Qu’importe, ils supportent tout avec cet espoir. D’autres, des condamnés à mort, n’auront pas cette chance. A quoi ça sert d’être condamné à mort à la fin ?
Des pays comme le Gabon l’ont aboli. C’est un grand pas vers le futur. Je veux que mon pays, le Cameroun, se lance dans la danse. Au secours, je suis une potentielle condamnée à mort au Cameroun!
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