Francophone-anglophone: le dilemme camerounais
«Il est habillé comme un vrai Bamenda». Et comme d’habitude, cette phrase a été suivie des éclats de rire. Et moi, pour une fois, je n’ai pas pu m’empêcher de me moquer de mon prof d’anglais, lui qui fait tous les efforts possibles pour me simplifier la langue de Shakespeare. Et pourquoi? Parce que vêtu d’un smoking noir, mon prof «sapé» comme les jours de fête, a osé tenir à la main, un sac en plastique de couleur noire en guise de mallette. Il aurait pu tenir un attaché-case, ne cessaient de lancer mes amies. Mais, pas un sac plastique! Et Honnêtement, ce n’était pas la fashion attitude quoi! Au Cameroun, il y a des malaises plus forts que la question tribale (Bamiléké, Sud, musulmans…).
Une fois passés ces rires, je me suis interrogée . Pourquoi lui alors que des dizaines de personnes autour de nous s’habillent ainsi de temps en temps? Et la réponse est apparue toute seule: parce que c’est un Bamenda! Mais non, un anglophone, c’est ça. Vous savez Bamenda veut tout dire chez nous. Lorsqu’on s’habille mal, lorsqu’on porte des robes sur des jupes, des vestes sur des chaussures en sac, lorsque l’on mélange des couleurs pas vraiment compatibles, cela s’explique par ton appartenance à l’autre partie du Cameroun. Tu ne peux qu’être anglophone. Les francophones sont ainsi! Essaie d’insulter l’un d’eux, il te dira bien:
« Tu me vois comme un Bamenda? » Et l’anglophone de rétorquer: « Vous avez trop honte. Nous parlons le faux français et vous? Vous n’essayez même pas ».
Et là le débat s’enflamme. C’est le dilemme Camerounais.
Mon petit frère a failli crevé l’œil à son ami. Il avait osé l’appeler Bamenda parce que mon petit avait enfilé une culotte sur un t-shirt. Et ce jour, n’eut été la prompte intervention d’un voisin, il y aurait eu drame.
Le francophone n’aime pas que l’on l’appelle Bamenda, parce que ça fait villageois, ça fait « homme qui ne sait rien ».
Les élèves se moquent de leurs professeurs d’anglais lorsque ces derniers osent s’aventurer dans un français qu’ils ne maîtrisent pas bien. Les rires sous cape de ses protégés le dissuadent d’ailleurs de continuer dans cette lancée. Pourtant, l’inverse n’est pas forcément vrai. L’anglophone t’écoute, te guide. J’ai fait l’expérience. Je vous le dis. Les anglophones sont parfois têtus, mais toujours prêts à aider l’autre pour une langue qu’il ne maîtrise pas.
Mais, comme ils sont minoritaires, certains se sentent lésés, mis de côté. Du coup, ils revendiquent leur part. Certains vont jusqu’à exiger la création d’un pays anglophone. A chaque 20 mai, fête nationale du Cameroun, ils renouvellent d’ailleurs leur désir de créer leur Etat de l’Ambazonie. Pour eux, l’Etat privilégie les Francophones (environ 78% de la population). Je me dis que ce problème date de l’après-deuxième guerre mondiale. Il y a eu forcement une manière de gouverner. Car, après la guerre, le Cameroun a été placé sous mandat de la France, partie Francophone et de l’Angleterre, partie anglophone. Sauf qu’il y a parfois un mal-être qui domine. Moi, je n’ai pris que l’exemple que je vis en milieu estudiantin pour illustrer ce dilemme!
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