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Sex-symbol les femmes journalistes?

Elle porte une jupe qui laisse entrevoir ses belles cuisses dans sa totalité. Sa chemise, déboutonnée à moitié, ressort sa poitrine pulpeuse dans son intégralité. L’homme à qui elle parle semble regarder ailleurs. Son regard est concentré sur une partie précise de son corps. Et, en l’observant de plus près (même si j’imagine déjà la direction de son regard), je me rends compte qu’il observe sa poitrine, d’un regard avide. Elle lui a pourtant tendu le micro. Mais, il répond à sa question d’un ton discret. Je lis une invitation pressante dans ses yeux:  « Je te veux, j’ai envie de toi ». Soudain, j’ai eu si pitié du pauvre homme. Il était vraiment dans une mauvaise situation. Il n’était pas le seul d’ailleurs. En promenant son micro, la journaliste a provoqué des désirs de la gent masculine. Parce qu’elle parlait bien? Ou alors parce qu’elle ressemblait à une sex-symbol?

Voilà les questions que n’ont cessé de me poser ceux à qui je racontais cette histoire. Et à dire vrai, moi aussi, je me suis posée cette question.Pourquoi était-elle habillée ainsi? Je suis rentrée quelques minutes dans le passé. « Ah Josiane tu veux être journaliste? Un métier des prostituées? », « les femmes journalistes sont trop faciles, tous les grands types passent dans leur lit »…J’en ai tellement entendu des femmes qui exerçent le journalisme. De ces histoires! Qu’elles jouaient de leur corps, qu’elles n’étaient que des prostituées masquées…Bref, qu’elles n’étaient bonnes à rien! Même les confrères masculins le disent…

Si elle obtient un poste? « Ah, elle a surement couché avec le chef », te rétorquent-ils. Si elle fait une bonne enquête? Mais c’est le chef qui a écrit le papier, disent-ils convaincus. Mais pourquoi? « Tout simplement parce que tu as la malchance d’être une femme ». De porter la jupe et la robe. Et si tu as le malheur de les porter sexy, à la façon d’une sex-symbol, alors tu es une journaliste à la cuisse légère. Et du coup, tu ne seras jamais prise au sérieux. Mais, ils en prennent pour leur dose.

Au sein de ma rédaction, je m’intéresse au monde économique,  judiciaire. Et à mon grand bonheur, lors de mon stage académique, il y avait des affaires de l’opération épervier. Du coup, je couvrais ces procès là. Et lors de leur verdict, j’étais présente au tribunal à 1-2 heures du matin. Seule, au milieu des hommes, des machos journalistes. Et cette fois là, ils n’avaient rien à dire. C’est vrai que j’étais en pantalon, mais bon j’étais une femme, présente en pleine nuit dans un tribunal. Mais, c’est une petite concession qu’ils m’accordaient. Leur air dubitatif prouvait qu’ils attendaient le moindre faux pas.

Même si tu t’habille façon grand-mère, ils ont comme une idée arrêtée sur toi, femme journaliste. Ils te rétorquent d’ailleurs: « Comment vous faites, Jackie Kennedy a épousé un président. La compagne de François Hollande est journaliste. Dominique Strauss Kan était marié à une journaliste. La seconde épouse de Laurent Gbagbo était journaliste. Comment vous faites? »

Du coup, quand on envoie les femmes journalistes en mission, on ne leur donne pas équitablement les frais de mission. « Tu vas trouver un homme qui va t’héberger ». Et le salaire? « Mais toi là, tu as un mari non? »

 

 

 

 


Camerounais en otage: on s’en fout

N’allez pas croire que je suis insensible au sort des sept Français pris en otage à Dabanga, ville camerounaise logée à cheval entre Waza et Maltan, dans la région de l’extrême nord de mon pays, le 19 février 2013. N’allez surtout pas croire que j’omettrai de parler sciemment d’eux dans mon billet. Parce que là, vous verrez. D’ailleurs, j’ai vu et revu la vidéo de 3 minutes 25 secondes de leur kidnapping sur le site youtube. Et sans vous mentir, j’ai eu des larmes aux yeux. A voir quatre enfants,  Eloi, Andéol, Maël et Clarence Moulin-Fournier, âgés respectivement de 12, 10, 8 et 5 ans, écouter leur père, Tanguy Moulin-Fournier, lire un message sous la contrainte et dire au monde entier que sa famille et lui allaient être tués si.., mon cœur a explosé de rage, de haine et surtout de peur. Et que dire d’Albane, leur mère qui elle aussi, écoutait. Et moi, je vous jure qu’à sa place j’aurai éclaté en sanglots. Mais à quoi aurait-il servi ? Comme elle, j’aurai pensé à mes enfants et à leur avenir qui risquait de basculer d’un moment à l’autre.  La guerre des infos a quand même cessé, Boko Haram, la secte islamiste a revendiqué le rapt. Et ceux qui disaient que la secte ne capture pas les otages ? Hein !

La France dit qu’elle ne négociera pas. Le Cameroun et le Nigeria non plus. Boko Haram leur a pourtant livré un message. A la France, il a été clair : «C’est nous qui retenons en otage ces sept membres d’une même famille (…) à la frontière entre le Nigeria et le Cameroun». A Goodluck Jonathan, ils n’ont demandé qu’une chose : «Si vous voulez que ces Français soient libérés, alors libérez nos femmes». Et j’ai réservé le meilleur pour la fin. A mon président, Paul Biya, ils ont été plus menaçants, je dis bien plus menaçants : « Relâchez nos frères détenus dans vos prisons, tous sans exception, ou vous verrez que vous aurez affaire à nous, comme ces gens que nous détenons».

Ce ton dur vous étonne ? Rassurez vous, ils n’ont pas tort de l’employer. Chez moi, nous sommes habitués à Boko Haram. C’est comme une relation d’ami-ennemi, un fifty fifty bon-mauvais. La secte demande même un échange.  Attendez que je vous conte une histoire. Comme toute Camerounaise, j’ai au moins une personne qui vit dans cette partie du pays. L’année dernière (2012), l’amie de ma tante, dont je préfère taire le nom, a perdu ses deux fils. L’un, étudiant à N’Gaoundéré et l’autre, boucher. Quand je dis perdu, je ne veux pas dire qu’ils ont été tués ou quoi. Non ! Ces garçons ont été capturés par un groupe qui, jusqu’ici, n’a pas revendiqué le rapt. Et comme mes pauvres amis n’étaient pas expatriés… Excusez moi, c’est une réalité, on n’en parle plus. A-t-on jamais parlé? Je crois que non. On ne parle pas des Camerounais pris en otages. Mais…

Plus de 1000 otages Camerounais capturés…4 milliards de rançon versé

Vous pensez que c’est le seul cas ? Venez à Douala et vous entendrez de ces histoires. « Mon frère a été arrêté par un groupe masqué », « Nous avons payé… pour libérer mes neveux capturés par un groupe». Et François Hollande dit qu’il ne négociera pas ? Peut-être qu’il aura plus de chance, car, plus de 1000 otages Camerounais détenus  n’ont  pas jusqu’ici été libérés. D’après l’hebdomadaire L’œil du Sahel, 600 morts donc environ 48 enfants camerounais ont été égorgés pour la seule année 2008. La somme de 4 milliards de F.Cfa de rançon versée. Plus de 600 têtes de bœufs emportées.

Pendant ce temps, Paul Biya se la coule douce chez lui…

Vous convenez avec moi que le rapt des sept Français a remis au goût du jour une réalité si commune aux Camerounais. J’ai entendu dire que les gens de chez moi, mon président plus précisément, dormaient pendant que d’autres se débattaient pour trouver une issue. Ce sommeil nous agace aussi, mais bon nous sommes habitués. Mais les autres ? Dans un éditorial paru vendredi dernier dans le journal burkinabé « Le Pays », des mots durs sont prononcés à l’encontre de Paul Biya : «Pendant que Goodluck Jonathan et François Hollande se concertent pour trouver une solution à ce rapt, Paul Biya se la coule douce chez lui… ». J’ai eu envie de rire et de pleurer en même temps. Et nos otages Camerounais, il s’en fout aussi !


Sarah Etongue ou la légende du char des dieux

Dans mon pays, elle est célèbre. Au pays de Roger Milla, Sarah Etongue est une icône, mieux, une légende. De quoi ? Pas de la musique, encore moins du cinéma. Sarah Etongué est tout simplement la star du « char des dieux », la plus haute montagne du Cameroun, plus connue sous le nom de Mont Cameroun. Une montagne haute de  4100 m d’altitude. Certaines disent qu’elle est la reine des montagnes. Fille des montagnes, indétrônable coureuse. D’autres, qu’elle est tout simplement la légende vivante du char de Dieu, record women des victoires.

"by google"
« by google »

Sarah Etongue maîtrise cette montagne comme sa poche. A sept reprises, Sarah s’est hissée à la tête du char des dieux. Sept fois. Lorsqu’en février 2013, la « mama » des montagnes, après quatre années de retraite a annoncé qu’elle se représentait à nouveau à la 17ème course de l’espoir (ascension du mont), le Cameroun a tremblé. Je me suis dit qu’à 47 ans, Sarah Etongue risquait de perdre sa vie. Je n’étais pas la seule. Des chefs traditionnels et bien d’autres craignaient pour sa vie. Il a fallu l’intervention des autorités sportives du pays pour calmer les esprits. Des tests médicaux ont été effectués.  Et comme pour démontrer à ceux qui doutaient d’elle, Sarah a montré qu’elle demeurait une légende. Elle est sortie 2ème dans une course d’environ 600 athlètes, avec un chrono de 5h 44mn 41sec, à 12 minutes de Ngwaya Yvonne, âgée de 25 ans. « Lâchée par le poids de l’âge », peut-être? N’empêche qu’elle a été la vraie star de la course. Comme toujours, elle a ravi la vedette à toutes ses concurrentes, toutes jeunes. Tous les regards étaient tournés vers elle. Tous les encouragements étaient  pour la reine Sarah. « La mater qui refuse de se reposer  (bientôt quinquagénaire)  était la principale attraction de la course du stade Molyko de Buéa dans la région du Sud-ouest.

La fille des montagnes respectée…aura sa maison, un cadeau

C’est qu’au Cameroun, Sarah fait partie des légendes vivantes. Des personnalités inoubliables. En 2003, je me rappelle d’une interview qu’elle avait accordée à la radio nationale. Nous étions alors à la veille de la course. « J’ai perdu mon père il y a juste deux mois et je ne pense pas être psychologiquement assez armée, surtout que je n’ai pas pu m’entraîner suffisamment », disait-elle. Et malgré tout, elle remportait son sixième titre. Elle avalait la montagne en 4 heures 21 minutes, un record, le sien, la fille des montagnes! Et la septuple championne de la course internationale de l’espoir a le respect de tous. Pour sa performance incroyable, Sarah a reçu une enveloppe de 2 millions de F.Cfa. Et une maison sera construite pour cette légende. Pour la pose de la première pierre, l’Etat du Cameroun, a déjà déboursé la somme de 5 millions. C’est qu’il est difficile de ne pas le faire pour cette mère de sept enfants qui a risqué sa vie pour cette course: « En 2008, ceux qui avaient peur pour ma vie, m’ont demandé de laisser mais, en retour, ils ne me donnaient rien pour survivre. C’est cette course qui est mon salaire, elle me permet de vivre et nourrir mes enfants »

"by google"
« By google »

Il n’y aura jamais deux reines du char des dieux

Née à Buea, sur le flanc du Mont Cameroun, Sarh Etongué s’y entraîne régulièrement. Elle a été couronnée pour la première fois en 1996. Sarah  habite d’ailleurs à quelques mètres de « ses montagnes » qui n’ont plus de secret pour elle, Sarah les connaît si bien. Pour Ngwaya Yvonne, la nouvelle princesse des montagnes, Sarah sera toujours l’unique. « Il n’y aura jamais deux reines pour le char des dieux », explique celle qui vient d’être championne pour la 4ème fois consécutive de la course de l’espoir. Comme quoi Sarah sera toujours la reine du char des dieux, la fille des montagnes…


Soumis au régime sec, Douala broie du noir: il y a des morts

A Douala, la vie est devenue un combat si particulier que ses habitants ont l’impression de se trouver sur un terrain sans adversaire visible. Que peut-on faire lorsque l’on est assoiffé? On peut s’en sortir avec la faim. Mais avec la soif, que peut-on? L’eau est pourtant une richesse naturelle!  J’ai lu avec une attention particulière une lettre adressée au directeur de la camerounaise des eaux par Florian Ngimbis pour l’interpeller sur la situation de son quartier (situé à Yaoundé) assoiffé depuis deux ans. Comme Florian, je me sens aujourd’hui obligée de me plaindre.

"Tout une quête pour l'eau"
« Tout une quête pour l’eau »

La ville de Douala n’est plus seulement assoiffée par endroit, elle est entièrement soumise à un régime sec. Aucun quartier ne se sent épargné: résidentiel, populaire, ghetto? Le drame est le même. Peut-être ces voix réunies pourront changer la donne ? On me rit au nez ! (je vois de loin des sourires moqueurs): Pendant ce temps, le directeur de la Camerounaise des eaux (Cde), nommé il y a tout juste un an, est en train de construire une cité des cadres à Yaoundé à hauteur de deux milliards de F.Cfa. Rien que le terrain a coûté 200 000 millions de F.Cfa. De qui se moque-t-on? Du peuple assoiffé, alors de qui?

« A force de vivre sans eau, j’ai cru que la ville de Douala était située dans une zone désertique. Ce n’est pas vrai? »

Plusieurs personnes m’ont posé cette question. Et honnêtement, je n’ai pas su que répondre. Douala, ville désertique? J’ai eu envie d’éclater de rire! (mais non je blague). Voilà la résignation des milliers d’habitants. Leur combat quotidien pour trouver la meilleure boisson au monde semble perdu d’avance. J’ai suivi quelques uns dans leur quête, pas si loin de la mienne. Certains n’attendent pas le cri du coq pour aller à la recherche du précieux liquide. Hommes, femmes et enfants se lèvent dès 3 heures du matin. Ils refont le même trajet à la tombée de la nuit. Direction, le point d’eau le plus proche. Forage, puits, marigot? Qu’importe, on sait juste que l’on n’aura pas de l’eau de la Camerounaise des eaux (Cde), pourtant la société « légitime ». Mais, une autre eau, celle qui étanchera la soif. Et les maladies? Ces habitants s’en foutent. En fait, on s’en fou! Choléra, paludisme, diarrhée? Ils me disent qu’ils sont habitués. « La saleté ne tue pas le pauvre », m’informent-ils.

« Quelque soit la couleur, on veut juste ce qu’on va boire. On s’en fou du reste », me rétorquent-ils lorsque j’essaie de leur poser une question sur l’aspect du liquide.

 

 Ajoutée à cette soif, l’obscurité vient tordre le coup à la vie à Douala

"Quand le noir attise la colère"
« Quand le noir attise la colère »

Comme si la Cde et l’Aes Sonel (société productrice d’électricité) s’étaient entendues, rien ne marche plus. Les coupures intempestives du courant ont rendues la vie difficile à plus d’un. moi y compris. Du coup, apprendre ses leçons, conserver un aliment dans son réfrigérateur, regarder un bon feuilleton télévisé ou alors, suivre des informations du monde, devient impossible. C’est comme si Douala était plongé au moyen âge, pis, à l’antiquité. Les habitants s’éclairent à l’aide des bougies, lampes tempêtes, non sans danger. Leur mauvaise utilisation et même le retour brusque de l’électricité provoque alors des incendies. Les dégâts sont alors importants.

« J’ai perdu tous mes effets, mes diplômes, mes habits et tout dans l’incendie », lance habituellement un enseignant mieux, un élève malheureux.

Quatre enfants décèdent en une seule nuit dans les flammes

Les sapeurs pompiers sont devenus presque impuissants. Et des morts ne tardent pas à suivre. Des incendies ravagent des familles entières. Au quartier Makepe à Douala (quartier résidentiel), le drame n’est pas encore effacé de la mémoire des habitants, plus particulièrement dans la famille de Williams Nya Tchami. Elle a perdu ses quatre enfants, âgés respectivement de 2 ans, 7 ans, 9 et 12 ans, Auriol, Kandisse, Flore et Laurel  Nya ont été calcinés dans leur chambre, éclairée par une bougie. Il n’y avait pas de lumière cette nuit-là, une nuit éclairée  de février 2013. Des drames pareils, Douala en compte. Face à ces mauvais incidents, des familles ont pris une résolution: plus de bougie, plus de lampes lors de coupures d’électricité. Ils préfèrent vivre dans l’obscurité,  même si les enfants n’étudieront plus et moi je ne suivrai plus mes infos. Le noir ajouté à la soif nous garantit une sécurité? La population en a marre, les politiques s’en mêlent, l’avenir est incertain

Quelle tristesse…


Benoît XVI : la leçon d’un pape aux dinosaures d’Afrique

Alerte infos Figaro, lundi 11 février 2013 : « le pape Benoît XVI va démissionner selon les médias italiens ». Juste en dessous, Afp, entendez Agence France press. Voilà une dépêche qui a secoué le monde et moi aussi, puisque j’ai reçu ce  mail à l’instant où il arrivait, à 12 h 04 minutes. J’ai eu le scoop comme nous, étudiants en journalisme, savons si bien le dire.

Pape Benoît XVI
Pape Benoît XVI

Dans les rues de Douala, c’est le seul sujet de conversation qui domine, même si le joueur le plus payé du monde, Samuel Eto’o Fils, dit être victime des tentatives d’assassinat, la démission du pape lui vole la vedette, dans les journaux comme dans les salons de thé. «Un pape qui démissionne ? Ça se fait ?», s’interrogent de nombreux sceptiques. «Mais oui il l’a fait. Je l’ai suivi à France 24 », «et moi à Rfi. Son discours a même été traduit. D’ici le 28 février, il ne sera plus pape», lancent les plus croyants. Et dans la presse, Mgr Paul Nyaga, prélat et expert en droit canon, explique les raisons de la démission du pape Benoit XVI. « Je peux dire que le droit canonique prévoit la démission d’un pape. Parce que le canon 312 paragraphe 2 dit qu’il peut arriver que le pape donne sa démission, mais cela doit être de façon libre », conclue-t-il.

Passés ces moments de disputes, les vraies questions s’imposent. Et les comparaisons ne tardent pas à suivre. «Ah…Il me rappelle Nelson Mandela. Tu te rappelles, en 1999, quand il a démissionné après seulement cinq ans? », demande Éric Ntomb, 64 ans, à son ami. «Tu parles Éric. C’est la même chose avec le pape. Il n’est là que depuis 2005. Si seulement nos dirigeants africains pouvaient faire comme lui», répond l’ami en poussant un long soupir. L’ami dit haut ce que des millions de personnes pensent bas. Et je vous arrête. Ne dites pas que le pape a démissionné parce qu’il est un homme de Dieu. Non!  Il dirigeait le plus petit et puissant État du monde.

« Après avoir examiné ma conscience devant Dieu, à diverses reprises, je suis parvenu à la certitude que mes forces, en raison de l’avancement de mon âge, ne sont plus aptes à exercer adéquatement le ministère pétrinien». Le pape dit que son âge ne lui permet plus de diriger. Combien de présidents en Afrique l’ont compris ? Après 20 ans au pouvoir, peut-on encore y apporter quelque chose de nouveau ? Règne-t-il encore pour le peuple ou pour l’amour du pouvoir ? La dernière option semble la plus plausible. S’imposer, dicter, commander, oppresser : une situation commune à de nombreux africains.

Sur les traces des dinosaures d’Afrique

La vraie charité commence par soi-même. Chez moi au Cameroun, le président, Paul Biya, a fêté son trentenaire à la tête de l’ État. Benoît XVI n’a pas fêté sa décennie. 30 ans. Et ses partisans disent toujours qu’il a des choses nouvelles à apporter au pays. Des grandes ambitions quoi ! Et le taux de chômage continue de s’alourdir. Et le Cameroun est entré dans l’ère de la corruption. Il y a des procès et des condamnations en cascade. Où sont les grandes ambitions ? A l’horizon 2035 ? Soyons quelque peu sérieux. Cela fait 30 ans qu’on attend. Le pape n’a pas voulu de ce genre d’attente là. Le 13 février dernier, Paul Biya a fêté ses 80 ans. Et souvenez-vous, la constitution a été modifiée.

34 ans au pouvoir et doyen

Il paraît qu’en Guinée Equatoriale, c’est plus grave. Leur président, Théodore Obiang Nguema, a passé 34 ans au pouvoir. Et il y reste, malgré une opposition qui en n’a marre. Le pape doit surement se demander comment cela est possible ? Facile ! Il a renversé dans la nuit du 3 août 1979, dans un bain de sang, son oncle Macias Nguema. Et depuis, il est président et est même considéré comme le doyen en Afrique en terme d’années au pouvoir.

José Eduardo Dos santos

Ne faites pas non plus la comparaison entre l’Angola et le Vatican. José Eduardo Dos santos, totalise aussi 34 ans au pouvoir, juste un mois et demi de moins que son homologue équato-guinéen. «Zedu », comme l’appellent ses proches, est arrivé au pouvoir en 1979, à l’âge de 37 ans.

Et le Zimbabwe ?

Robert Gabriel Mugabe en sait quelque chose. A 89 ans, 4 de plus que le pape, il semble avoir des forces pour diriger et briguer un autre mandat à la tête de son pays. Il n’en a cure de la grogne du peuple. Robert Mugabe semble penser que le pape n’a pas bien muri sa réflexion, dommage!

8 ans pour le pape…29 ans pour Denis Sassou Ngesso

Le président congolais a accédé au pouvoir en assurant l’intérim du 18 mars au 2 avril 197, après la mort des suites d’un putsch, du président Marien Ngouabi. «La limitation des mandats présidentiels n’est pas démocratique», a-t-il déclaré. Comme quoi rien n’arrêtera ses mandats.

27 ans pour Musseveni, 26 ans pour Comparoré, 23 ans pour Idriss Deby

En Ouganda comme au Burkina Faso, il y a une attirance pour le pouvoir. Et même au Tchad. Les trois présidents ont pris le pouvoir par les armes. Youweri Kaguta Musseveni (Ouganda), en 1986, à l’âge de 41 ans. Blaise Comparoré (Burkina Faso), en 1987. Idriss Deby Itno, à l’âge de 38 ans en 1990. Comparés à eux, le règne du pape ne fait pas le poids. Pourtant, Benoît XVI s’est montré très honnête.

D’autres avant lui, ont suivi son exemple en Afrique. Comme Benoît XVI, ils ont dit : «Je démissionne… »

Nelson Mandela est sans doute le plus célèbre d’entre eux.

Cameroun

Savez vous que Paul Biya (mon président bien sûr), a eu le pouvoir grâce à Ahmadou Ahidjo ? Il a dit « Je démissionne… ». C’était en 1982.

Sénégal

A l’âge de 74 ans, Léopold Sedar Senghor  a cédé sa place à Abdou Diouf, sans rancune, comme le pape.

Tanzanie

En 1985, à l’âge de 63 ans, Julius Nyerere s’est retiré pour laisser Ali Hassan Mwinyu. Il a renoncé au pouvoir.

Moi je vous jure, chers présidents d’Afrique, la démission «noble», quand les forces lâches, est plus importante. Elle évite le verdict de l’histoire. Dans une part de mon âme, (mon livre de chevet, j’avoue) de Winnie Mandela, voici comment elle parle de Nelson Mandela : «Ce sont les anciens qui lui ont inculqué cette fierté et cet amour de son peuple. Si bien que lui-même en tant qu’être passe après son peuple». Vous qui admirez cet homme, et même le pape. Je me souviens que mon président l’a reçu. Le peuple passe-t-il avant ou après vous? Cette démission de Benoît XVI est une leçon de vie…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Excisée à 7 ans, Anita raconte son histoire

Comme si c’était hier, Anita se rappelle de tout. Plus particulièrement, de son excision à l’âge de 7 ans. Âgée aujourd’hui de 29 ans, l’étudiante en sociologie a accepté de se confier « pour que son histoire  alerte les parents et les dissuade d’enlever un don de Dieu à leur petite fille…

"Crédit photo: septentrion.net"
« Crédit photo: septentrion.net »

«Je ne permettrai jamais à mes enfants de subir ces atrocités. Je dis jamais». Anita lance ces paroles avec rage. Les poings serrés, le visage défiguré, l’étudiante en Sociologie semble lutter contre elle-même. J’essaie en vain de calmer mon interlocutrice. Après des mois de démarche, Anita a enfin accepté de m’accorder cette interview, afin, de me confier l’histoire de sa vie. Histoire qu’elle a confiée à une amie commune.  Le récit de cette vie m’a toujours intéressé (je voulais publier ce billet le 6 février, à l’occasion de la journée consacrée à l’excision, mais je n’ai pas pu).

Accompagnée de sa grand-mère, Anita ne se doute de rien ce jour là

«J’étais très jeune à cette époque. J’avais 7 ans», me-dit-elle, le regard fixé vers un point imaginaire de l’horizon. Comme pour se donner du courage, Anita ouvre son sac à mains et sort un téléphone portable qu’elle manipule, l’air ailleurs. «J’étais en vacances dans le village de mon père, non loin de Figuil (Grand-Nord du Cameroun). Ma grand-mère, la maman de papa, m’a conduite dans une maison. Il y avait six petites filles assises sur des bancs, dans la cour. Elles étaient accompagnées des personnes plus âgées. Nous nous sommes assises près d’elles. J’entendais des pleurs et des cris à l’intérieur de cette maison. C’était comme si on tuait ces enfants», se souvient Anita. Étonnée, la fillette demande alors à sa grand-mère : «pourquoi elles pleurent, les petites filles. On coupe leurs têtes ?» Et mamie de rétorquer : « C’est rien Anita, on leur donne des médicaments». Même si la petite fille n’est pas pour autant convaincue, elle attend quand même son tour. «Quand les fillettes entraient dans la maison, elles ne ressortaient plus. J’entendais juste une voix de femme qui demandait au suivant d’entrer». Au fur et à mesure, la petite Anita se rend compte que son tour est proche. Elle se met alors à pleurer. «Je ne savais pas pourquoi je pleurais. Mamie a essayé de me consoler sans succès. Je suis donc entrée dans la maison en larmes. J’ai vu du sang, tellement de sang et devant moi, une femme tenait une lame de rasoir à la main. Son pied et sa robe suintaient de sang».

Anita s’arrête. Absorbée par les confidences, je n’ai pas remarqué que de grosses larmes roulent sur sa joue. A l’aide d’un mouchoir, elle essaie en vain de les contenir. Mais, sa peine semble immense. Je m’en veux alors de l’avoir forcé à réveiller ces vieux souvenirs. «S’il te plaît Anita, on peut continuer un autre jour», lui dis-je. «Non Josiane tu as demandé ces confidences depuis des mois. En plus, Carine (notre amie commune) m’a dit que tu voulais le mettre sur ton blog pour sensibiliser le monde. Cela fait plus de 20 ans que j’ai subi ces atrocités. Et des fillettes sont toujours excisées. Je dois me confier « pour que mon histoire  alerte les parents et les dissuade d’enlever un don de Dieu à leur petite fille», me lance-t-elle d’un ton déterminé.

Un acte qui fait mal

La honte de se dévoiler domine

On l’ôte son slip, ses chaussures et sa robe…elle s’évanouie ensuite

Les lèvres tremblantes, Anita continue son histoire. «Cette femme qui tenait la lame à la main s’est dirigée vers moi. J’ai voulu m’enfuir. Malheureusement pour moi, mamie était derrière moi. Elle m’a soutenue. Par la suite, on m’a ôté ma robe, mon slip et mes chaussures. Deux autres femmes, qui se tenaient derrière la femme à la lame de rasoir, m’ont écarté les deux pieds et maintenus. Quelques minutes plus tard, j’ai ressenti une douleur atroce entre les jambes. Le genre de douleur qui annonce la mort. C’était comme si je ne vivais plus. Je me suis évanouie».

Solitaire, Anita se sent trahie, souillée, salie

Anita suspend encore ses confidences. Cette fois ci, aucune larme n’inonde ses joues. Son regard est sec, mais inexpressif. Elle me regarde sans me voir. Je le sais. Je respecte son silence. Il dit tout sans rien dire. Anita fait surtout face à ses vieux démons. A son réveil, la fillette se retrouve à la maison. Elle ressent la même douleur entre les jambes. Elle va alors se confier à sa mère. «C’est normal Anita, on vient de faire de toi une femme», m’a répondu maman. Le père redit la même chose. La fillette qui jouait dans la cour familiale avec ses demi-frères et sœurs (papa a quatre épouses, ma mère est la 3ème) ne le fait plus. Quand elle ne fait pas ses travaux domestiques, elle est assise dans un coin, l’esprit ailleurs. De retour à Douala, la même attitude continue. «Je me sentais trahie, salie, souillée. Malgré mon jeune âge, je savais qu’on m’avait enlevé quelque chose. Je suis devenue une rebelle».

Une rebelle est née

Anita développe cet esprit de rébellion qui devient très vite sa marque de fabrique. Sa réputation en prend un coup. Les filles musulmanes sont posées, pas elle. Cette attitude décourage d’éventuels fiancés. «Du coup, papa s’est retrouvé avec une fille de 19 ans encore célibataire. Pour me punir, il a refusé de continuer à financer mes études, j’étais en classe de seconde». Un sourire apparaît sur ses lèvres, comme si elle se moquait encore de cette décision paternelle. Anita reste à la maison pendant un an, le temps pour elle de vendre les oignons pour payer ses études. Elle entre l’année suivante en première et depuis lors, elle vend les oignons durant les vacances pour financer ses études.

"Crédit photo: french.yaounde.usembassy.go"
« Crédit photo: french.yaounde.usembassy.go »

Comme l’Ambassadeur des Usa au Cameroun, Anita veut mener ce combat

L’école lui a appris une chose : «Je n’ai plus de clitoris. Par conséquent, je ne peux pas avoir de plaisir sexuel. Je ne saurais jamais ce que c’est. J’ai mis cette idée dans ma tête, c’est cruel, mais c’est ainsi», dit-elle, philosophe. La jeune femme n’a pas pu sauver ses deux petites sœurs et demi-sœurs, qui ont aussi été excisées. «Mais, je compte mener ce combat. Je suis entrain d’écrire un livre pour dénoncer ces pratiques et raconter cette histoire. Dans l’avenir, je compte créer une Ong ».

Comme Anita, plus de 5% des femmes Camerounaises subissent des Mutilations génitales féminines (Mgf). Selon la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés, ces pratiques sont récurrentes dans les régions de l’Extrême-Nord et du Sud-ouest du Cameroun. Pour l’Ambassadeur des Etats Unis au Cameroun, Robert P. Jackson, ces Mgf provoquent des traumatismes psychologiques ; des risques graves de santé parmi lesquels le Vih et les complications obstétricales. Robert P. Jackson dit d’ailleurs qu’il est prêt à aider toutes les associations qui œuvrent dans ce sens. «J’’ai eu la chance de ne pas avoir le Vih-Sida. Malheureusement, plusieurs petites filles ont été contaminées lors de l’excision. Il faut mobiliser des forces de l’ordre en civile dans le Grand-Nord du Cameroun», soutient Anita.